Deux moi, deux egos, deux solitudes… Dans ce film, Cédric Klapisch a la bonne idée de prendre en compte et d’explorer l’une des réalités cachées et cependant omniprésentes des grands centres urbains, celle des célibataires obligés de supporter plus ou moins bien le poids de la solitude. En l’occurrence, nous voici à Paris, dans le 18ème, où résident, dans deux immeubles mitoyens surplombant des rails de chemin de fer, Rémy (François Civil) et Mélanie (Ana Girardot). Le premier travaille dans une multinationale qui ressemble à s’y méprendre à Amazon, une entreprise qui licencie à tour de bras pour remplacer les hommes par des robots. La deuxième est employée comme chercheuse dans un laboratoire spécialisé dans la lutte contre le cancer. Tous deux sont voisins, prennent parfois les mêmes transports en commun aux mêmes heures, mais ne se connaissent pas. Tous deux souffrent également d’un même mal, la dépression, même si, dans le cas de Rémy, elle a pour conséquence des insomnies à répétition, alors que, dans le cas de Mélanie, elle se manifeste, au contraire, par une tendance à la narcolepsie. Toujours est-il que tous deux, pour se sortir de la neurasthénie, ont recours à une psychothérapie.
L’autre point commun entre ces deux-là, c’est qu’ils essaient, chacun de son côté, de sortir de la solitude, mais en s’y prenant très maladroitement, lui avec une collègue de travail, elle en pratiquant des rencontres avec des inconnus trouvés sur le site bien connu Tinder. Bien évidemment, toutes ces tentatives se soldent par des échecs. Pour échapper à l’isolement, il faut sans doute trouver d’autres moyens.
Cédric Klapisch s’amuse à multiplier les passerelles entre les deux voisins qui ne se connaissent pas. Une épicerie de quartier que tous deux fréquentent, une chanson qu’écoute Mélanie dans son bain et qui lui revient comme en écho, un petit chat recueilli par Rémy avant de s’échapper et de se retrouver chez Mélanie, et même un incendie ravageant un appartement du voisinage, autant de lieux, d’événements, semés dans les existences des deux personnages, mais qui ne suffisent pas à occasionner une rencontre effective. On se demande, bien évidemment, tout au long du film, si elle finira par avoir lieu, cette rencontre. Je me garderais de répondre à cette question, d’autant plus que le sujet du film, c’est la recherche du bonheur, plutôt que le bonheur lui-même (s’il est possible de le trouver).
Tout cela peut sembler quelque peu artificiel, mais, sur l’écran, du fait d’une excellente mise en scène et des prestations remarquables des interprètes, tout fonctionne, tout est plausible et parfaitement convaincant. Certaines scènes sont particulièrement réussies. Ainsi lorsque Rémy essaie de faire comprendre en vain à sa famille médusée qu’il traverse une période de dépression. Ou encore chacune des scènes de psychothérapie, aussi bien de Mélanie que de Rémy : des séances qui ouvrent des chemins de guérison, sans nul doute. « Il faut que vous appreniez à vous aimer vous-même », dit la psychothérapeute à Mélanie. « Il faut que vous sortiez de vous-même pour aller vers les autres, vous avez droit au bonheur », dit le psychothérapeute à Rémy. Ces deux paroles se contredisent-elles ? Non, elles se complètent et autorisent une intéressante fin ouverte à ce film épatant.