Le Power, une drogue ayant la capacité de donner aléatoirement un super-pouvoir pendant cinq minutes à celui qui l'ingère circule depuis des semaines dans les rues de La Nouvelle-Orléans.
Un homme solitaire appelé le Major tente de remonter vers le sommet de l'organisation qui a créé cette étrange substance, sa route va croiser celle d'une jeune dealeuse et d'un flic lui-même devenu consommateur de Power pour jouer à armes égales avec les criminels...
Aaah, le fantasme de la drogue aux propriétés hors-normes pour son utilisateur, l'idée n'a rien de nouvelle et traverse tout autant les comics que les films ou les séries depuis des années (coucou "Limitless", "Les 4400" & co !) mais, en lui conjuguant une durée encore bien plus éphémère que les pouvoirs de l'ami Hourman de chez DC et un côté "au petit bonheur la chance" selon le don octroyé (vous pouvez devenir un surhomme comme une bombe sur pattes), le concept de "Project Power" a de quoi offrir des perspectives franchement réjouissantes !
Bon, globalement, il est vrai que le nouveau long-métrage du tandem Ariel Schulman/Henry Joost ("Nerve", "Viral") ne va pas briller par la folle originalité de son intrigue, les mystères autour des motivations du personnage de Jamie Foxx ou des fournisseurs de la drogue entretenus dans la première partie sont très prévisibles et, schématiquement, le déroulement du récit se résume assez vite à la construction d'une alliance improbable entre les trois héros pour faite tomber une organisation tentaculaire à la la façon de plusieurs niveaux d'un jeu vidéo bourré d'action.
Néanmoins, en se basant dans une Nouvelle-Orléans moderne et bien loin des clichés habituels, la trame de "Project Power" a la bonne idée de ne jamais éluder le triste passé de martyre de la ville et s'en sert même pour dénoncer, de manière plus générale, l'influence des lobbies pharmaceutiques sur le gouvernement, puis sur la société américaine où la pauvreté et la consommation de médicaments/drogues sont les deux composantes d'un cercle particulièrement vicieux. Évidemment, tout ce discours en reste à l'état d'évocation et "Project Power" n'a pas l'ambition de représenter une charge critique qui bouleverserait les esprits au-delà de son statut de divertissement mais il n'en demeure pas moins bien présent en filigrannes et permet au film d'acquérir un minimum de profondeur sans que le trait apparaisse forcé.
Les trois héros vont d'ailleurs tirer une bonne partie de leur force en étant chacun des émanations de ce propos : le policier qui décide d'en arriver aux pires extrémités car il se refuse à voir sa ville partir à vau-l'eau, la lycéenne devenant dealeuse faute d'horizons meilleurs et le Major, symbole même d'un homme à qui on a tout dérobé, représentent à eux trois les différentes facettes de victimes que le système s'évertue à broyer pour mieux perdurer. Leur alliance en devenir est donc logiquement le centre névralgique de "Project Power" qui n'oublie jamais de développer l'humanité de leurs interactions lorsque les flingues et les super-pouvoirs se font plus rares à l'écran. Ariel Schulman et Henry Joost peuvent de plus compter sur la qualité de leurs interprètes pour renforcer notre attachement vis-à-vis d'eux (on espère déjà revoir Jamie Foxx, Joseph Gordon-Lewitt et la jeune Dominique Fishback reprendre ces rôles maintenant que les présentations sont faites dans ce premier opus).
En plus de ces personnages, "Project Power" mise bien entendu sur l'action et un déferlement de différents super-pouvoirs pour nous en mettre plein les yeux. Si, au début, notre immersion dans cet univers fait quelque peu frémir par son aspect de production à la Luc Besson qui en fait à la fois trop et pas assez pour s'inscrire dans les codes graphiques d'une adaptation de comic-book se voulant un minimum réaliste (rappelons que "Project Power" est un film original, chose finalement assez rare dans le domaine), le film va ensuite sembler vouloir juguler à la fois les excès et les limites de ses ambitions visuelles afin de délivrer un maximum de séquences d'action efficaces et qui seront toujours elles-mêmes dopées par le shot d'adrénaline induit par l'intervention de sa drogue miraculeuse. C'est en effet là un des meilleurs arguments du long-métrage : dès qu'Ariel Schulman et Henry Joost paraissent s'enfermer dans la "normalité" d'une fusillade, d'une baston ou d'une course-poursuite, celles-ci connaissent à chaque fois un nouveau pic d'intérêt avec le power-up que subit un de ses protagonistes. Les pouvoirs mis en scène sont certes bien connus mais l'inconnue qui réside dans leur nature et le moment où ils se manifestent offre perpétuellement à "Project Power" des mini-coups de boost inattendus. Et comme ces moments sont légion, certains débouchant même sur de vrais morceaux de bravoure inespérés (la séquence de la cage de verre dans le night-club en est le plus réussi), autant dire que "Project Power" est traversé par un rythme soutenu qui fait plutôt plaisir à voir !
Alors, oui, l'ensemble de la proposition reste incontestablement mineure (le lot hélas trop habituel d'une majorité de productions Netflix de ce type) mais "Project Power" est suffisamment solide pour constituer un bon divertissement en son domaine et même, petit miracle, nous donner envie de découvrir une possible suite à cette aventure. Quasiment tout le contraire d'un "The Old Guard" en somme.