J'aime beaucoup Bertrand Bonello, c'est d'ailleurs très souvent avec curiosité et surprise que j'accueille la découverte de ces films, mêmes si, parfois j'ai pu m'y heurter. Zombi Child, signe, il en va de soi, une concordance avec le cinéma dans son ensemble de ce même réalisateur porté sur la colère, sur un sentiment qui retourne la table, dans le bruit et la fureur, qui cote à cote se toisent, s'observent et entre, de manière toujours particulière, en collision !
Ici, le film démarre par une recette que l'on découvre, apprend à voir ses tourments, dans un anti-silence. Le mimétisme de la composition laisse place un chancèlement dans le pas, par une démarche qui se saccade avant l'inéluctable perdition qui entraine cris et chants, un rituel qui en succède à un autre. Bertrand Bonello va vite, il combine le dépaysement, capte sa superbe et fructifiera par la suite des retours vers ce Haïti de 1962, une quasi divergence avec la lumière de cette salle de classe qui n'a plus rien de comparable, à première vue seulement.
La pièce blanche, aux visages blancs, canalise pour autant un discours qui, à bien des égards regorge aussi d'un mythe, comme une correspondance par les mots d'un professeur qui théorise par l'explication à son auditoire - au sens large - le résidu de ce sentiment qui chahute, collectivement, par une révolte, comme il en est fait ici mention. On reviens à une prise de vue plus ordinaire, du moins, familière, de par cette approche, néanmoins la marge est de suite rechercher.
Le mouvement, l'observation, le soin du programme certifie d'installé le cadre, d'y placer des idées, connues ou non, à dessein dans faire resurgir, une fois les bascules, les transitions faites, répondre et superposer un calme sur une lutte. Bonello, cherche constamment l'étincelle, il aime d'ailleurs faire référence à son élite ( il y excelle ! ) au travers de l'héritage, des convenances, de cette rébellion bourgeoise face aux verrous de la posture et de la ligne qui se trace il retoque la certitude, puise et creuse le vertige de l'instant ( Bresson me viens momentanément ici et maintenant ) pour en sillonner son étendu, là devant nos yeux. La technique, parallèlement joint à entretenir le flou, de la beauté de l'intrigue, à la mise en relief des moyens, somme toute de la même obstination à contempler sa joliesse. Il veut, en cela, au travers de ses films, nous faire encore buter, comprendre et assimiler, s'arrêter et puis poursuivre ...
L'occupation de l'espace est une autre constante dans le cinéma de ce réalisateur - compositeur. Des lieux bondé du jour, à sa " privatisation " la nuit, le désir, l'envie souvent stimulé par l'ennui, une bizarrerie autre, parfois fantasque disons-le, porte au nue une poésie, y compris dans l'acte de politique, de connaissance, partage, comme d'abandon de toute ses motions, une fièvre froide, j'irai jusqu'à dire une tête froide, mais un sang chaud, bouillant, à profusion ! L'alliage hybride fascine par la déroute de ses chemins tracés, comme une fuite face à la soumission / résignation de l'édifice par une cavale romantique, une connivence bonne ou non, encore une fois, qui n'a d'illustre qu'une inconnue comme sortie. C'est là ou particulièrement Zombi Child devient selon moi génial. Par le biais du miroir, Haïti et la France coopte par le jeu de fusion, interroge et livre une bataille sur l'introspective et raconte des vies, des morts, sans hauteur particulière, ou plutôt, cette dernière gesticule selon point de vue. Des cols blancs immaculés de l'institut de cette bande de filles, aux retours vers le camp d'exploitations des zombis, on retrouve le même besoin de vouloir justifier, de combattre, mais surtout comme le dit Mélissa lorsqu'elle évoque son grand-père, faire autrement si possible ...
Zombi Child, est de ses films un peu difficile parfois, son étrangeté, sa détermination acté faisant acte de foi et de contrition devant sa propre présence titille des habitudes de spectateurs standardisés. La manivelle est activé et regorge de subtilité, il suffit de regarder ces actrices, qui viennent toutes, quelles que soit leurs temps de présences à l'écran, demeurées merveilleusement à définir des portraits fantasmagoriques et à la fois enivrante mais également d'une réalité plus précise, l'une et l'autre de ces visions sont superbes. Ces jeunes filles, dans le phrasé comme dans le geste fuse, tranche, pèse avec le poids opportun, magnifiquement !
J'insiste maintenant sur les yeux qui pleurent, sur ses deux orifices dessinées par un contour blanc qui rappel la femme qui rit de L'Apollonide. La différence, qui intervient par le drame vécu, ici par la zombification, est admirable autant que contestable. Peu importe, pour moi sa seconde constations, car je n'y ai vu que le braise de sa signification. La genèse du parcours est une douceur malgré la violence, surtout si l'on subit, comme moi j'avoue l'expérience de
l'apparition du Barron avec autant d'intensité et un peu de trouille ! J'en souris à écrire ces quelques lignes là-dessus, mais oui la conjugaison de vie et de mort manifesté dans cet instant m'a perturbé et attristé. Sans doutes, encore plus les heures passées ce visionnage ...
Acceptons l'inattendu You'll Never Walk Alone avec manganisme et réconfort, de surcroit comme fin des peines. Avec un sourire, comme retrouvailles !