Après sept opus et plusieurs faux départs, Roger Moore tire enfin sa révérence et quitte le costume de James Bond. Pour le remplacer, les producteurs jettent leur dévolu sur un certain Pierce Brosnan. L’acteur irlandais est en effet disponible car sa série « Remington Steele » n’est pas renouvelée.
Enorme ironie de l’histoire, sa nomination comme le futur 007 fait parler de lui, booste l’audimat de « Remington Steele »… qui est donc finalement renouvelée ! Le dernier jour de validité de son contrat avec la série, Brosnan reçoit ainsi un coup de fil lui sommant d’honorer ses obligations pour une nouvelle saison. L’acteur, écœuré, doit renoncer au costume de James Bond… à charge de revanche.
C’est finalement le Gallois Timothy Dalton qui est retenu. A la différence de Pierce Brosnan qui s’accrochera au rôle (au point d’être à ce jour le seul interprète de 007 à avoir été licencié par les producteurs), Dalton avait déjà refusé le rôle plusieurs fois. Et le refusera encore après la traversée du désert que subira la franchise au début des années 90… Malgré cette distance que l’acteur a pour le rôle, il se révèle particulièrement convaincant.
Roger Moore campait un Bond flegmatique, exprimant peu ses sentiments si ce n’est pas un haussement de sourcil. Et se voulant détaché de l’action, par des petites blagues et remarques narquoises. Timothy Dalton, acteur shakespearien, se pose pratiquement en anti-Moore. Il n’hésite pas à exprimer davantage ses émotions (colère, air attendri…), tout en incarnant un 007 plus sobre et professionnel.
Un choix culotté à l’époque où Roger Moore était monstrueusement populaire. Ce qui explique peut-être que Dalton a longtemps été mal considéré par une partie du public. La tendance s’est depuis inversée, Timothy Dalton étant parfois vu comme un proto-Daniel Craig en jouant un Bond plus humain.
Néanmoins, il faudra attendre le film suivant pour voir le scénario intégrer le style de Dalton, le choix de l’acteur ayant été trop tardif pour l’écriture de « The Living Daylights ». Mais justement, quid du film ne lui-même ?
On sent que la franchise commence à délaisser le film d‘aventure pour lorgner vers le cinéma d’action, genre qu’elle embrassera pleinement dans les années suivantes. Les racines d’espionnages sont néanmoins maintenues, avec une intrigue qui mène Bond à travers l’Europe, le Maroc et l’Afghanistan, sur fond de vente d’armes, assassinats, défection, et trafic de drogue. Un scénario intéressant, avec quelques surprises, qui comporte néanmoins deux défauts.
D’abord, trop de méchants. Si Necros demeure menaçant, les antagonistes n’ont pas assez de temps de présence pour être pleinement exploités. Ensuite, une bond girl dont on dira gentiment qu’elle est très passive et nunuche. Le jeu un peu ahuri de Maryam d’Abo n’aidant pas (ce n’est pas un hasard si l’actrice n’a pas vraiment eu de grosse carrière ensuite…).
Néanmoins, pour le reste, « The Living Daylights » est un Bond très plaisant. Le rythme est fluide, et le film propose plusieurs scènes d’action très efficaces. Sans toutes les énumérer, citons une bagarre dans une cuisine (chose trop rare au cinéma !). Une poursuite en Aston Martin, qui fait son retour à l’écran après des années d’absence. Et un duel derrière la soute d’un avion en plein vol, qui n’a aucunement vieilli (en même temps, ça aide quand on tourne réellement au-dessus du vide et pas derrière un fond vert !).
Pour sa dernière BO sur la franchise, John Barry (qui s’offre d’ailleurs un joli caméo) mélange orchestration symphonique et électronique, chose originale à l’époque. Il livre plusieurs très belles compositions, et co-écrit la chanson titre avec le groupe A-Ha, plutôt réussie.
Tandis que question acteurs, si les nouvelles versions de Felix Leiter et Moneypenny sont quelques peu transparentes, on retrouve des têtes sympathiques (Joe Don Baker, John-Rhys Davies, ou Jeroen Krabbé).