Le réalisateur ne s’en cache pas : avec "Délicieux", il a souhaité réaliser un film à caractère historique sur l’invention du concept de restaurant tout en choisissant de s’écarter de la pure vérité historique. En effet, ce n’est pas dans le Cantal quelques mois avant la Révolution française qu’a été ouvert le premier établissement pouvant prétendre au qualificatif de restaurant, c’est à Paris, quelques années auparavant. Il n’empêche, cette période qui voyait s’annoncer la fin des privilèges était propice à cette « révolution des palais » : après tout, cela faisait des dizaines d’années que, moyennant finance, l’opéra et la musique savante n’étaient plus réservé.e.s aux souverains, aux princes et aux ducs, alors pourquoi ne pas offrir également une nourriture de qualité à toutes celles et à tous ceux qui le souhaitaient et qui, bien sûr, avaient les moyens de se l’offrir. Quant au fait de quitter Paris pour la province, cela permettait au film, tournés sur les 4 saisons d’une année, d’offrir la vision d’une nature magnifique, photographiée avec un très grand soin au format 2.40:1 par Jean-Marie Dreujou, un des grands directeurs de la photographie de notre pays. A noter qu’un soin encore plus grand a été apporté à la lumière et à la photographie des scènes d’intérieur, très souvent des scènes magnifiques de préparations culinaires éclairées à la bougie.
Bien photographié, bénéficiant d’un scénario bien ficelé, "Délicieux" jouit également d’une très bonne distribution avec, en tête d’affiche, un excellent Grégory Gadebois, tout d’abord inventif et cabochard, puis sans aucune illusion et sans allant, et, pour finir, totalement ressuscité. A ses côtés, Isabelle Carré campe parfaitement une Louise très attachante et aux nombreux visages. Le rôle tenu par Benjamin Lavernhe, celui du Duc de Chamfort, est un rôle à la fois mineur et important : mineur car, finalement, on passe peu de temps avec lui ; important car il est là en tant que représentant de la noblesse de l’époque, avec ses accoutrements, ses coiffures et, surtout, cette arrogance apportée par cette certitude d’être « bien né ». Dans un rôle tout aussi important, celui de l’intendant du Duc de Chamfort, un homme qui est conscient de ne pas être bien né mais qui n’aspire à rien d’autre qu’au statu quo social, on retrouve un Guillaume de Tonquédec tout à fait à son aise. Quant aux idées révolutionnaires, elles sont portées par Benjamin, le fils de Pierre Manceron, interprété par Lorenzo Lefebvre.