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David S
1 critique
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4,0
Publiée le 7 janvier 2023
C'est au milieu de la cité Youri Gagarine à Ivry sur Seine que se passe l'action du court-métrage du duo de réalisateurs, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh. Dans ce grand ensemble, caractéristique de l'architecture des années soixante, promis à une destruction prochaine, les habitants partent les uns après les autres, fuyant des appartements délabrés pour aller s'installer ailleurs. Seul contre tous, Youri (magistral Idrissa Rabaté qui rend parfaitement le côté rêveur et lunaire du personnage), un jeune homme de vingt ans qui vit encore chez sa mère, s'obstine. Il ne veut pas quitter le lieu de son enfance, malgré le désir de sa mère (interprétée par Tella Kpomahou qui incarne avec une certaine justesse cette mère cherchant à ramener sur terre son rêveur de fils) qui aimerait bien le voir quitter le foyer. Influencé par son homonyme, le célèbre cosmonaute, premier homme à avoir été dans l'espace, Youri est un passionné d'astronomie qui voit sa cité comme un vaisseau spatial dont il serait le réparateur attitré. Et il s'évertue à remettre à neuf ce vieux vaisseau qu'il faut sans cesse rafistoler.
Le spectateur voit le monde à travers les yeux de Youri, ce qui donne lieu à une succession de plans superbes où on a l'impression de flotter dans l'espace et d'être en apesanteur. Les éclairages, notamment, sont particulièrement travaillés que l'on soit à l'intérieur de l'immeuble ou à l'extérieur. Le film dans son ensemble est nimbé d'une lumière qui créé une ambiance fantastico-poétique, jusqu'à la scène finale où le personnage procède littéralement à "l'allumage" d'une fusée imaginaire. On peut sans doute dire qu'on n'avait jamais filmé la banlieue de cette façon-là, avec autant de grâce et de poésie, bien loin des images sordides et misérabilistes que l'on associe habituellement à ce genre d'endroits. Mais c'est également, à travers son personnage, le passage de l'adolescence à l'âge adulte que ce film interroge. Doit-on renoncer à ses rêves d'enfant ? Faut-il faire taire en nous cette voix qui nous incite à croire que la magie existe ? De manière plus globale c'est toute une utopie collective, apparue dans les années soixante et qui a disparu depuis, que ce court-métrage évoque. Celle dont le personnage de Youri Gagarine est l'incarnation et qui consistait à croire à la formidable aventure collective d'une humanité enfin réconciliée dans sa quête vers les étoiles. Comme pour nous rappeler ce rêve d'autrefois, le court-métrage est encadré par des images d'archives où l'on voit Youri Gagarine "himself" inaugurer la cité qui porte son nom. Et c'est ce fantôme d'un héros tragiquement disparu qui plane sur l'ensemble du film et lui donne à la fois sa poésie et sa mélancolie.