Un jour, on a raconté à la réalisatrice Méliane Marcaggi l’histoire d’une femme qui s’était attachée plus que de raison à la dernière conquête de son fils décédé. Cet attachement avait paru excessif à son entourage car, avant le drame, elle n’avait jamais rencontré cette « petite amie ». Et pour cause, il ne s'agissait que d'une aventure sans lendemain. Pourtant, lors de l'enterrement elle la présentait comme la compagne officielle de son défunt fils sans que personne, vue les circonstances, n'ose la contredire. "Cette histoire, qui disait le bouleversement affectif d’une mère devenue « orpheline » de son enfant m’a beaucoup interpellée. J’ai appris plus tard qu’il était très courant que des parents cherchent à créer le lien avec les dernières personnes qui ont croisé l’enfant qu’ils ont perdu, comme s’ils conservaient en eux une parcelle de sa vie ou qu'ils prolongeaient un peu sa présence. J’ai commencé à réfléchir et je me suis dit qu’il y avait peut-être là un début de scénario."
Méliane Marcaggi, qui avait déjà écrit pour le théâtre, n'avait encore jamais écrit de long métrage. Elle n'était toutefois pas complètement novice en matière d’écriture de cinéma. "J’avais fait mes « griffes » sur le court-métrage avec Et toi ?, que j’ai co-réalisé avec Jean-Marc Peyrefitte. Ce film a reçu suffisamment de retours positifs pour que je me lance dans l’écriture d’un long-métrage. J'ai alors participé à une formation au CEEA (Conservatoire Européen d'Écriture Audiovisuelle) dédiée à l'écriture de la comédie. Cela a été très instructif... et fécond puisque c'est là-bas qu'est né un premier synopsis de Belle-Fille. Puis, j'ai repris l'écriture avec Christophe Duthuron. Après de longs mois de travail, nous avons pu mettre un point final au scénario. Lorsqu’on n’a que six semaines et demi de tournage, un scénario « béton » est un atout majeur. En cas de stress ou de pépin technique, il est la meilleure bouée de sauvetage. Chaque mot de celui de Belle-Fille avait été pesé et chaque virgule réfléchie, cela a permis à la primo-réalisatrice de long métrage que j’étais, d'endosser sans appréhension le rôle de capitaine de ce gros navire. Sur plateau, je me suis sentie solide et à ma place."
En rédigeant son scénario, Méliane Marcaggi pensait déjà cadrage et montage. "Par exemple, nous avons écrit pour qu’au début du film, les scènes qui se passent à Paris puissent être montées nerveusement, sur un rythme rapide. Ce sont des scènes d’exposition. Elles sont essentielles, puisqu'elles expliquent les raisons du départ précipité de Louise, et en font son portrait en creux. Mais, je ne voulais pas qu'elles prennent trop de temps. Il fallait leur trouver un traitement particulier. Le film prend un autre tempo ensuite, à l’arrivée de Louise en Corse où, dans un décor de rêve, éclaboussée d’une lumière somptueuse, elle va enfin penser à elle. Le rythme s’apaise, la respiration se fait plus douce. Mais ce n’est qu’un trompe-l’oeil : la mécanique du mensonge est en marche. Louise est prise dans un engrenage."
En matière de cinéma, Méliane Marcaggi se dit très éclectique. Elle n'a pas de modèle absolu. La cinéaste aime beaucoup les comédies américaines indépendantes comme Juno ou Little Miss Sunshine et peut aussi revoir en boucle Tootsie. "En ce qui concerne les françaises, je suis fan de celles des « Jaoui-Bacri », des « Nakache-Toledano » ou de Salvadori, parce qu’elles ont du fond et qu’on les regarde en s’impliquant affectivement. Plus globalement, j'aime le cinéma français. J'ai été nourrie, influencée par Pagnol, Lelouche, Sautet, Yves Robert et tant d'autres... En tous cas, pour que j’aime un film, comédie ou non, il faut qu’il ait un peu de profondeur, une dimension humaine, que je puisse m’identifier. Dès que j’ai commencé à penser à Belle-Fille, cette obsession du fond et de l’humain ne m'a plus quittée."
Méliane Marcaggi connaît Alexandra Lamy depuis plus de dix ans. Les deux artistes sont amies. Le mari de la réalisatrice était notamment scénariste sur Un gars / Une fille. Quand le projet du film a été suffisamment avancé et le personnage de Louise bien défini, la cinéaste ne voyait vraiment personne d’autre pour l’interpréter. "Seulement j’étais intimidée, presque terrorisée même, à l’idée qu’elle me dise non bien sûr, mais surtout qu’elle accepte pour de mauvaises raisons, plus affectives qu'artistiques. J’ai fini par prendre mon courage à deux mains et lui donner mon scénario. Comme elle est une fille franche et entière, elle m’a prévenue qu’elle me dirait la vérité, le bon comme le mauvais. Je la connais et je savais que c’était vrai, ce qui n’était pas pour me rassurer. (Rire) Heureusement le suspens n’a pas duré trop longtemps… Elle m’a rappelée le soir même pour me dire qu’elle avait aimé le script et qu’elle était partante pour être Louise. Sur le tournage, elle a été comme elle est dans la vie, solaire, généreuse, d’une énergie intarissable. Son charme, sa bonne humeur, son humour et sa gentillesse ont fait l’unanimité. Et sur le plan purement artistique, elle est phénoménale. Elle a la puissance comique et la précision d’un Louis de Funès au féminin et la force d’émotion d’une Annie Girardot."
Selon Méliane Marcaggi, le rôle de l’amant de Louise était difficile à distribuer. Il est capital mais très court, et il requiert une séduction de tous les diables puisqu’au fond, c’est une espèce de prince charmant qui va faire basculer la vie de Louise. Il doit faire succomber une femme qui n’est pourtant pas du genre à se laisser embarquer par le premier venu. "Je rêvais que ce rôle soit tenu par un acteur immédiatement identifiable, séduisant mais qui soit loin de l’image d’un vulgaire tombeur de filles. La rencontre entre Louise et lui devait avoir quelque chose de l’ordre du merveilleux, relever presque de l’irréel. Alexandra Lamy m’a soufflé le nom de Thomas Dutronc. Une idée magnifique. Thomas est beau et plein d'humour. Il a un charme fou et a en lui quelque chose de fragile et d’évanescent. Il correspondait exactement à ce que je cherchais pour ce rôle. Atout supplémentaire, il est viscéralement attaché à la Corse. Bien qu’il se soit défendu d’être acteur – il avait jusqu’alors refusé plusieurs propositions en ce sens – je lui ai envoyé mon scénario. Peut-être est-ce parce que le film se déroulait en Corse, ou que l’idée de jouer avec Alexandra, qu'il connaissait, le rassurait, en tous cas, il a dit oui. Et, dans la foulée, il a proposé de faire la musique du film."