Parfois on va au bout du monde pour rencontrer quelqu’un
et au final, la seule personne que l’on retrouve, c’est soi-même.
C’est en gros le message du charmant film d’Eric Lartigau, qui a plein de petites qualités sur le fond comme dans sa forme. Sans être époustouflante ou révolutionnaire, la réalisation de Lartigau est quand même assez soignée. Il utilise l’écran du cinéma comme un écran de téléphone, il s’offre quelques jolies scènes poétiques avec des jolies surimpressions toutes délicates, il utilise la musique comme il faut et surtout, il filme Séoul en nous donnant une furieuse envie d’y aller. Le film se déroule d’abord dans un Pays Basque luxuriant, assez carte postale c’est vrai mais ce n’est pas bien grave. Ensuite le film passe
beaucoup de temps
dans l’aéroport ultra moderne de Séoul, une ville dans la ville (où l’on peut tout faire H24, quasiment) dans un décor qui mêle subtilement technologie et poésie asiatique et puis finalement Séoul, et pas juste le Séoul des buildings ou des cerisiers en fleurs mais aussi celui des quartiers plus pauvres, de la street food au kilomètre. On sent qu’Eric Lartigau a eu un coup de cœur pour ce pays et cette ville qui n’est pas une destination de tourisme habituelle comme peuvent l’être Tokyo ou Pékin. Et puis il y a les coréens, qui semblent tous tellement gentils et abordables, serviables et polis, et même leur gastronomie finit par nous faire envie ! Le film tire un petit peu en longueur dans son dernier quart d’heure, et c’était un peu la crainte que j’avais, une fois le nœud de l’intrigue dénoué
(Soo viendra elle à l’aéroport ?)
, le scénario est un peu en roue libre et le film se délite un tout petit peu sur sa fin. Mais dans l’ensemble, « #Jesuislà » tient la route en très grande partie grâce à Alain Chabat. Chabat a une cote d’amour avec le public qui ne se dément pas depuis plus de 30 ans et « #Jesuislà » ne va rien y changer, au contraire. A la fois drôle et émouvant, Chabat compose un homme tout simple, à un tournant de sa vie, qui cherche quelque chose sans savoir qu’il le cherche. Il passe son temps à discuter sur Instagram avec une jeune femme dont il ne sait rien, qui habite au bout du monde, mais cette femme c’est le symbole de tout ce qu’il n’a pas fait dans sa vie
(il voulait faire les Beaux-arts mais a finit par reprendre le resto de son père)
. Ce n’est pas Soo qu’il va rejoindre à Séoul, au fond, c’est la vie qu’il aurait aimé vivre qu’il va trouver si loin : s’émerveiller d’une culture si différente, rencontrer des tas d’inconnus, voir des paysages qui lui sont totalement étrangers dans une langue à la quelle il n’entend rien. Stéphane va à Séoul pour enfin sortir d’une routine confortable qui le pèse, sans qu’il s’en rende vraiment compte. Il est parfait, Chabat, dans la peau de cet homme simple et curieux, émerveillé de tout, qui finit par sympathiser avec tout le monde. Il y a une fraicheur de jeune homme dans ce personnage, et clairement Alain Chabat était le comédien parfait pour ce rôle là, dosé juste ce qu’il faut. Les seconds rôles français sont un peu effacés, à commencer par Blanche Gardin (affublée d’un accent qui ne fait pas naturel et ne fonctionne pas du tout !), Ilian Bergala ou encore Jules Sagot, mais parfaitement croqués, pour le peu qu’ils sont à l’écran. C’est la même chose en ce qui concerne Doona Bae, qui incarne Soo.
On la va verra au final assez peu mais son rôle est intéressant, et on est frustré (comme Stéphane du reste) de ne pas en savoir plus sur elle au final. Elle est et restera mystérieuse, comme une sorte d’être imaginaire. Mais c’est assez normal car comme je l’ai dit, c’est plus lui-même que ce sexagénaire basque va chercher en Corée, elle demeurera éternellement une sorte de symbole, d’idée plus qu’une vraie personne en chair et en os.
Le scénario se déroule en 3 temps : la France, l’aéroport et Séoul et c’est clairement la partie centrale à l’aéroport qui fonctionne le mieux. On y retrouve cette ambiance particulière,
celle qui avait donné « Le Terminal » de Steven Spielberg.
Il y a beaucoup de moments de comédie, particulièrement
lorsque Stéphane devient malgré un héros des réseaux sociaux et une star d’Instagram, avec tout le barnum (un peu flippant) que cela peut supposer. Il attend Soo, il l’attend encore et encore, ça pourrait être pathétique et pourtant grâce à l’interprétation, ca ne l’est jamais.
Alors c’est sur, l’histoire, sur le papier, fait un peu faible, et c’est à cause de cela qu’au bout d’1h15 de film, le scénario s’essouffle comme s’il avait dit l’essentiel et qu’il fallait meubler encore un peu. Toute la dernière partie,
avec ses deux fils
, tourne un peu à vide. Mais pris dans son ensemble, « #Jesuislà » tient la route. Certes le message est tout simple, mais le film passe bien et Alain Chabat emporte le morceau. Ce n’est sans doute pas le film de l’année mais je suis presque certaine que j’en verrai en 2020 des biens moins charmants, biens moins sympathiques et bien moins subtils.