Nikos Labôt s'est inspiré d’une histoire vraie, celle d’une femme sans qualification professionnelle qui, en trouvant du travail, a fait la découverte de l’autonomie et de l’indépendance. Le réalisateur se rappelle : "Son point de vue sur sa situation, au regard des conditions difficiles dans lesquelles elle devait travailler, m’a interpelé. Comment pouvait-elle se sentir devenir quelqu’un dans des conditions de travail si terribles ? Comment supportait-elle cette situation chaque jour ? Elle voyait ce travail comme une chance. Elle en parlait comme de la chose la plus importante de sa vie. L’histoire simple et vraie de cette femme, racontée à travers l’expérience de son premier emploi, était comme une piqûre de vérité dans nos têtes et nos coeurs, révélatrice et bouleversante. C’est ce qui m’a décidé à faire de l’histoire de cette femme-là, un film."
Nikos Labôt voulait raconter cette histoire de la manière la plus réaliste possible. Il précise : "Dans la vie, les situations se déroulent directement sous nos yeux, en temps réel. Au cinéma, il en est autrement puisque tout est question de représentations. Ce qui m’importait, c’était de réussir à capturer les instants du quotidien de Panayiota, ses émotions qui passent par son visage, ses yeux, des positions de son corps. C’était comme une chorégraphie sentimentale à mettre en place. J’ai travaillé avec la comédienne Marisha Triantafyllidou (Panayiota) pendant près de deux ans, sur les détails physiques, les sentiments qui devaient être exprimés au tournage, sur les dialogues également."
Pour trouver son actrice principale, Nikos Labôt a auditionné beaucoup d’excellentes comédiennes. Pendant ces essais, le metteur en scène ne donnait pas d’indications sur l'héroïne pour voir ce qu’une actrice pouvait instinctivement apporter au rôle. Il se souvient : "J’avais remarqué l’éclat avec lequel Marisha faisait remonter des aspects du personnage qui étaient encore inconnus ou invisibles. J’ai vu chez elle la même force qui passait à travers l’apparente fébrilité de Panayiota. Marisha semblait porter elle aussi un lourd fardeau. C’est une personne et une actrice magnifique, capable de donner corps à un personnage simple, à peine soignée, quasiment invisible."
En devenant femme de ménage dans un centre commercial, Panayiota doit faire face au monde du travail, impitoyable et compétitif, ainsi qu’à des schémas de domination patriarcale persistants au sein-même de son propre foyer. Nikos Labôt développe :
"Lors de cette dernière décennie, la Grèce a beaucoup changé. Je le vois tous les jours. Cela touche aussi ma famille, mes amis. Je suis affecté par tout ça, mais Her Job n’est pas un film sur la crise elle-même, elle est au second plan. J‘ai avant tout voulu montrer ce que les gens ressentent dans cette situation, ses effets disons. L’histoire de Panayiota décrit l’absurdité d’un système qui n’est pas seulement le cancer de la Grèce mais qui touche le monde capitaliste confronté à la rentabilité à tout prix. Dans ce sens, on peut voir Her Job comme un film politique, pas seulement parce qu’il se déroule sur fond de crise, mais parce qu’il décrit la décomposition de la société à travers la perte des emplois et du lien social. Ce sont les effets de la crise sur les personnages qui m’intéressaient, leur impact, et pas seulement économique."