Le point de départ du film trouve son origine dans le premier voyage qu'a fait Nora Martirosyan au Haut-Karabagh, en 2009. La réalisatrice a découvert un territoire qui n’existe pas sur le plan juridique et géopolitique, mais qui, pourtant, possède une capitale, un président et une constitution. Elle se rappelle :
"Cela m’a paru extraordinaire ! Tout le chemin a ensuite consisté à se demander quelle histoire pouvait être racontée à partir de ce lieu.J’ai fait des allers-retours pendant dix ans entre la France et le Haut-Karabagh. Ces dix années de développement ont été bénéfiques pour transcender un réel qui s’imposait avec tous ses enjeux, ses problématiques, sa folie, ses événements qui touchent la population de cette toute petite enclave. L’écriture du film a été finalisée avec la romancière Emmanuelle Pagano que j’ai rencontrée à la Villa Médicis."
Le territoire, symbolisé par l’aéroport, a été filmé comme un personnage à part entière qui déclenche la fiction. Nora Martirosyan précise : "Je crois profondément que le cinéma est là pour raconter des espaces qu’on n’aurait pas vus ou compris autrement. Mon film a pour vocation de faire découvrir un espace, délimité par une frontière dont on parle mais qu’on ne voit jamais. Cette limite est aussi dans nos têtes. Ainsi, quand Alain Delage, le personnage principal, va rencontrer la frontière, il va rencontrer sa propre limite."
Quand Nora Martirosyan a commencé à chercher son acteur principal, elle disait au directeur de casting qu'elle voulait que le spectateur s’attache à un personnage ordinaire : "Grégoire possède également à sa manière une force intérieure. On ne connaît rien d’Alain Delage. Tout ce qu’il montre de lui, il le montre physiquement. Son côté ténébreux permet d’avoir un personnage qui contient son histoire sans qu’on la raconte. En rencontrant Grégoire, je n’ai pas rencontré un acteur mais une personne qui avait le désir de vivre une aventure avec moi. Nous savions que tout allait se jouer pendant le tournage. Il a été extraordinaire, et un complice de tous les instants."
Si Le Vent tombe a fait partie des Sélections Officielle (une première pour un film arménien) et ACID au festival de Cannes 2020.
Nora Martirosyan s'est entourée de comédiens arméniens chevronnés venant majoritairement du théâtre, comme ceux qui interprètent le directeur de l’aéroport (Davit Hakobyan), la journaliste (Narine Grigoryan), le chauffeur (Arman Navasardyan) et l’ermite fou (Vardan Petrosyan).
"Vardan Petrosyan fait des one-man-shows. C’est une star, tous les Arméniens l’adorent. Et pour incarner le directeur de l’aéroport, j’ai longtemps cherché un acteur français avant de me rendre compte qu’il me fallait une personne qui vienne du pays et qui a cette force qui lui est spécifique. Pour tous les comédiens arméniens, la langue a été un défi. J’ai beaucoup discuté avec eux et expliqué les scènes. C’était important que leur jeu ne soit pas démonstratif et tous les acteurs se sont adaptés à cette manière pudique d’aborder le jeu", confie la réalisatrice.
Nora Martirosyan voulait que le titre de son film contienne la notion de possibilité : "Je cherchais quelque chose qui raconte le film et l’aéroport car si le vent tombe, les avions vont pouvoir voler. Le « si » est important car tout le film est suspendu à cet aspect conditionnel. C’est un peu Le Désert des Tartares de Dino Buzzati avec cette longue attente."
Nora Martirosyan a voulu que Si le vent tombe soit un film climatique, qui commence par une matinée grisâtre, puis devient solaire, lumineux, pour redevenir dans sa dernière partie gris et nuageux. "Le chef opérateur Simon Roca a également fait un travail sublime pour les intérieurs comme par exemple avec la maison d’Edgar, qu’on découvre le soir ou tôt le matin. Comment peut-on vivre l’espace différemment en fonction de la lumière ? De la même manière, l’aéroport est très différent selon la manière dont il est éclairé", se souvient la cinéaste.
Nora Martirosyan a choisi cet aéroport (qui est donc bel et bien réel) pour sa modernité, son ancrage territorial et sa folie. Elle précise : "Il pouvait incarner un espoir car visuellement et architecturalement, il est intéressant pour le film. Je connais le directeur de cet aéroport qui promet depuis dix ans que, pour ma prochaine visite, je viendrai en avion. Le pays n’existant pas officiellement, il n’a pas les autorisations nécessaires. J’aime bien l’idée que les spectateurs se demandent si cette république existe bien et qu’ils entreprennent des recherches sur le sujet. Dans ce pays du bout du monde, une guerre très violente a eu lieu en même temps que celle en Yougoslavie, ce qui a eu pour conséquence de l’éclipser. Personne ne parle de cet endroit et si mon film permet de le faire, je m’en réjouis."