Police est l'adaptation du roman du même nom écrit par Hugo Boris et paru en août 2016 chez Grasset. C’est le producteur Jean-Louis Livi qui a fait découvrir ce livre à Anne Fontaine, laquelle a tout de suite été happée par la trajectoire de ces policiers lambda confrontés à leur propre vérité, au cours d’une mission pour laquelle ils n’ont pas été formés.
La réalisatrice explique : "J’ai eu envie de suivre leur cheminement intérieur, partager leurs questionnements. Comment réagirait-on à leur place si on nous ordonnait de renvoyer un demandeur d’asile dans son pays ? Comme le lecteur du roman, le spectateur devait pouvoir naviguer avec ses propres interrogations sur la transgression, la désobéissance…"
Dans Police, Anne Fontaine retrouve Grégory Gadebois et Virginie Efira, avec lesquels elle avait déjà travaillé : avec la première dans la comédie Mon pire cauchemar en 2011 et avec le second dans le drame Marvin ou la belle éducation en 2017, inspiré du roman "En finir avec Eddy Bellegueule" d’Edouard Louis.
Au moment de l’écriture, Anne Fontaine a rencontré plusieurs policiers, dont Yann Despouy, un commissaire qui l'a emmenée dans la salle d’armes et lui a appris à tirer. Elle a également passé du temps dans des commissariats et rencontré d’autres policiers, dont des gens de la police des frontières. La cinéaste se rappelle :
"Des hommes mais aussi des femmes - elles sont désormais très nombreuses dans la police, entre 30 à 40% des effectifs. J’ai vu des êtres humains parfois très complexes, d’autres plus simples, des gens, en tous cas, qui n’avaient rien à voir avec tous les a priori qui circulent. Ça a été un travail essentiel pour préciser les personnages, crédibiliser leurs actions et rendre la véracité de cette profession. J’ai retrouvé certains de mes interlocuteurs au moment de la préparation, pour qu’ils enseignent les bons gestes aux acteurs, et d’autres sur le tournage : pour jouer les scènes d’interrogatoire au centre de rétention à Vincennes et l’interpellation à Roissy, j’avais besoin de « pros »."
Toujours dans cette optique de documentation, Anne Fontaine a fait la connaissance d'un réfugié à Vincennes, une semaine avant son départ. Ce dernier a confié à la réalisatrice avoir une femme et un bébé qui venait de naître. Elle se souvient :
"« Je vais vous trouver un avocat », lui ai-je dit. Les trois policiers qui assistaient à l’entrevue, dont l’un, une sorte d’Erik, m’est tombé dessus : « Attendez !, m’a-t-il dit. Vous ne croyez quand même pas ce qu’il vous raconte ? ». Je sentais ses deux collègues mal à l’aise : eux se posaient manifestement des questions. Qui croire…? C’était peut-être une histoire achetée dix-neuf euros à Barbès comme le dit le personnage d’Aristide. Ou peut-être la vérité. C’était impressionnant et, quoiqu’il en soit, il s’agissait clairement de quelqu’un qui allait droit vers la pire misère."
Police a été tourné en grande partie dans une voiture et en studio. Tourner en extérieur aurait pris des mois et Anne Fontaine n'aurait jamais pu réussir à filmer les visages de si près. "Je n’aurais pas eu des cadres aussi stylisés, ni pu me permettre certains travellings. Le commissariat a, lui aussi, été entièrement recréé", précise-t-elle.
Payman Maadi incarne le réfugié tadjik. Anne Fontaine l’avait repéré dans les films d’Asghar Farhadi, Une séparation et À propos d'Elly, mais aussi dans d'autres longs métrages iraniens. C'est principalement pour son côté "Monsieur tout le monde", tout en dégageant beaucoup d'intensité, qu'elle l'a choisi :
"Sa partition était horriblement difficile : il l’a jouée sans la moindre complaisance, au point même d’accepter de se faire plaquer pour de bon au sol par des hommes du service des escortes. Dans la voiture, on ne sait jamais très bien dans quelle zone psychique il se trouve. Il est juste là, sans mots, sans autre soutien que son intériorité, et il réussit à faire passer des émotions incroyablement subtiles. Il est sans doute l’un des plus grands acteurs que j’ai eu la chance de rencontrer", explique la réalisatrice.
Pour déterminer le style visuel de Police, Anne Fontaine et le directeur de la photographie Yves Angelo (avec qui elle avait déjà collaboré sur Blanche comme neige et Marvin ou la belle éducation) ont revu de nombreux films sur la prison, pour leurs décors épurés, mais aussi des films d'Ingmar Bergman (L'Eternel Mirage, Persona et Sonate d’automne), John Ford et Claude Sautet. La cinéaste confie au sujet de l'esthétique du film :
"Quand nous le préparions, Yves Angelo et moi, je lui disais en plaisantant : « Ce film c’est Bergman chez les flics. » Que se passe t-il dans la tête de ces policiers ? Qu’est-ce qu’ils expriment dans leurs regards ? Que nous donnent-ils à penser. Et c’était un pari d’autant plus complexe qu’une fois ces plans filmés, il fallait encore rajouter les routes. Le vrai travail s’est effectué dans mon bureau avec chacun des acteurs. Je les recevais un par un, j’examinais leur visage -comme je le disais plus haut pour celui de Virginie-et je confiais à chacun quelque chose que les autres ne savaient pas pour qu’ils aient un secret avec moi."