A côté de la plaque
C’est la fin d’été 2020. Le temps où, pour cause de Covid, les films américains ne sortent plus.
Une belle aubaine de donnée aux cinémas d’autres horizons d’être mis en évidence.
Et pourtant qu’a-t-on en guise d’alternative ?
Pas grand-chose je trouve.
Pour ma part, j’ai jeté mon dévolu sur ce « Police ». D’un côté une auteure confirmée en guise de réalisatrice (d’Anne Fontaine j’avais beaucoup aimé les « Augustin » et « Perfect Mothers ») et de l’autre un casting trois étoiles pour donner corps à l’ensemble : il ne m’en a pas fallu davantage pour espérer du cinéma de qualité ; au moins du cinéma convenable.
Mais bon… A croire que même en mobilisant le haut du panier hexagonal, le septième art français trouve très vite ses limites.
Il a suffi d’à peine deux minutes à ce film pour qu’il me conduise déjà à dresser le pire des constats.
Enchainement de plans banalement illustratifs. Pas de musique. Photo crasse…
La recette est connue tellement elle a déjà été utilisée par tant d’autres auteurs fainéants.
Quand on n’a rien à dire ni rien à montrer on se cache derrière le simili-reportage.
C’est la banale excuse de la réalité crue qui excuse tout. Le film est moche parce que la réalité qu’il décrit l’est aussi.
Bah voyons. On va loin avec des ambitions comme celles-là…
Malgré tout ce serait être de mauvaise foi que de dire qu’Anne Fontaine ne tente rien.
Certes, de temps en temps, il y a bien dans ce « Police » quelques effets de rupture dans les transitions, un peu de bidouille sur les sons, ou bien encore quelques tentatives d’expérimentations visuelles comme ça peut être le cas avec cet épisode d’incendie nocturne…
Seulement voilà c’est bien peu. Et surtout ça ne va jamais bien loin…
A dire vrai chacune de ces maigres tentatives donne l’impression qu’Anne Fontaine s’efforce comme elle peut d’aiguayer formellement un projet qui – de toute façon – ne va nulle part.
Et ce serait presque ça le plus consternant dans ce film : l’absence de vraie ligne directrice.
…L’absence d’une cohérence d’ensemble.
Au début du film, la narration se décide à enchainer le même moment mais perçu selon trois points de vue différents. D’accord, pourquoi pas.
Le problème c’est que, d’une part, ça n’apporte pas vraiment grand-chose à notre perception de cet évènement là et d’autre part c’est balancé à la poubelle en milieu de film.
Pourtant on nous annoncera bien un quatrième segment, celui du prisonnier Tohirov. Mais sitôt annoncé qu’on repart sur les trois policiers sans adopter le point de vue dudit Tohirov.
Finalement l’annonce n’est pas suivie d’effet.
Alors du coup à quoi bon fixer cette grammaire si c’est derrière pour ne pas la respecter ?
A dire vrai, ma question n’est que purement rhétorique car, dans les faits, je connais déjà la réponse.
Si l’écriture dans ce film est bancale et que chaque procédé narratif est malmené sitôt utilisé c’est parce qu’en France on ne sait pas faire – on ne sait pas voir – ce genre de chose là.
Pire on s’en fout.
Ce qui compte c’est le sujet et quelques moments d’émotions que les trois acteurs principaux sauront susciter. Le reste, ce n’est que de la technique. Ce n’est pas de l’artistique. Donc c’est méprisable…
J’ai beau aimer Anne Fontaine mais là je trouve vraiment que son « Police » pue l’amateurisme.
Elle ne sait pas où elle va. Elle ne sait pas ce qu’elle cherche à dire ou à montrer.
A un moment il s’agit de nous présenter le quotidien des flics, de nous faire comprendre que ce n’est pas toujours très sympa-sympa ; que derrière il y a des humains toussa-toussa…
Et puis d’un seul coup, sans crier gare, voilà que le film entend s’embrancher sur une question éthique.
Une question éthique pas préparée, pas amenée, et qui tombe un petit peu comme un cheveu sur la soupe.
Le pire, c’est que cette question est vraiment navrante tant elle pue l’invraisemblance et le boboïsme à plein nez.
D’ailleurs après de longues palabres assez creuses à base de bons sentiments et de décisions assez ahurissantes de la part de gardiens de la paix rodés à leur fonction, le film décide de se conclure en bottant en touche, preuve supplémentaire s’il en fallait qu’Anne Fontaine ne savait de toute façon pas vraiment quoi dire de ce sujet là…
Et c’est presque ça qui m’achève le plus avec ce film là.
Quand bien même est-il parfois agrémenté de quelques petits moments pas trop mal ficelés entre Efira et Sy (et qui doivent d’ailleurs plus aux comédiens qu’au reste d’ailleurs), il n’en demeure pas moins qu’il a des allures de brouillon mal dégrossi dont on ne sait que faire.
C’est comme si, en suivant ce long-métrage, on lisait des notes d’intentions griffonnées au crayon sur un coin de table.
« Ah j’aimerais bien faire un film sur la police comme Maïwenn… J’aimerais insister sur le fait que ce ne sont que des humains, des types bien, et que bon, ce n’est pas toujours facile. J’aimerais qu’on voit que le problème c’est davantage l’institution, qu’ils manquent de moyens, qu’on les oblige à faire des sales besognes et que – eh oh ! – des fois ça doit les démanger de désobéir tellement leur petit cœur plein de valeurs saigne… »
Et si au fond tout est si lisible c’est parce que tout s’enchaine par simple effet de juxtaposition, sans qu’à un moment donné on ait su franchir l’étape supérieure : celle qui permet de mêler tout ça dans un tout cohérent, celle qui mobilise des techniques pour que l’ensemble devienne limpide, fort et évident aux yeux du spectateur.
Bref, il a manqué à ce film un geste d’artiste.
Au-delà de ça même : une vision.
Le geste et la vision d’artiste, c’est ce qui permet de faire voir de l’art plutôt qu’un simple empilement d’artifices.
C’est ce qui fait que tout s’emboîte.
C’est ce qui fait que tout prend corps.
Le film nous parlera ou ne nous parlera pas mais, au moins, il y aura une proposition qui est faite.
Là, on se retrouve avec un sujet qui n’est pas maitrisé, raconté au travers d’une histoire bancale et creuse, le tout servi par une réalisation qui se contentent d’enchaîner quelques effets d’esbroufe qui n’impressionnent qu’en option CAV de lycée.
C’est tellement triste d’être à ce point à côté de la plaque.
Et ça l’est encore tellement plus quand on se dit que du côté d’Anne Fontaine et du cinéma français on ne semble pas voir où est le problème…
Pourtant à un moment donné il faudra bien savoir se poser les bonnes questions.
Le Covid ne pourra pas avoir bon dos pour tout.
A un moment donné, pour qu’il y ait des spectateurs dans les salles, il va falloir aussi qu’il y ait du cinéma sur les écrans…
Après moi je dis ça, je ne dis rien…