On découvre pour la première fois Gwen au milieu du cadre magnifique des montagnes de l'arrière-pays gallois, l'innocence de l'enfance plane encore autour de la jeune fille que l'on nous présente en train de jouer avec sa jeune sœur. Mais, au fur et à mesure qu'elles rentrent vers leur ferme pour y souper, la beauté des décors et la lumière qui irradiait des deux sœurs s'éteignent peu à peu face à l'austérité que peuvent représenter les conditions de vie en un tel lieu au XIXème siècle. La mort est là, omniprésente à l'extérieur avec une famille voisine venant de succomber au choléra et, même une fois au sein de leur demeure, elle semble déjà s'y être immiscée avec l'absence d'un père parti combattre au front. Seule la chaleur de la relation des deux sœurs illumine le foyer tant la mère ne paraît plus être en mesure d'exprimer son amour à l'égard de ses filles sans la présence de son mari. Hormis des sorties à l'église aussi froide que la société qui la fréquente, les trois femmes survivent au quotidien dans leur isolement avec leur bétail et leurs récoltes. Bientôt, alors que l'état de santé de la mère se met soudainement à se dégrader, un menace se profile pour mettre en péril définitivement ce fragile environnement familial...
On serait bien sûr prompt à ranger immédiatement "Gwen" dans la case des films d'épouvante historico-auteurisants nés dans le sillage de "The Witch" comme l'a pu l'être le "The Wind" d'Emma Tammi récemment par exemple. Tous ces longs-métrages partagent la même volonté de miser avant tout sur une atmosphère en adéquation avec leurs décors devenant des personnages à part entière, un rythme lancinant à contre-courant des canons commerciaux actuels et un discours pertinent sur la condition féminine dans des époques où les femmes sont habituellement réduites à des fonctions serviles vis-à-vis des hommes. Seulement, si "Gwen" remplit tous ces critères de filiation, il va néanmoins se démarquer de ses confrères par sa nature réelle de drame utilisant juste certains codes de l'épouvante pour amplifier un ressenti anxiogène très réussi.
D'ailleurs, à moins d'être allergique à ce type d'approche, ce premier film de William McGregor est, sur la forme, quasiment irréprochable. "Gwen" réussit complètement à nous imprégner par son ambiance de la dureté de la vie dans ce contexte historique et dans ce cadre aussi isolé que spartiate pour ceux ayant choisi de s'y installer. La mise en scène débouche souvent sur des plans à la beauté aussi lugubre que poétique et faisant en permanence écho aux maux intérieurs de ses personnages face à un danger qui cherche insidieusement à les détruire. Enfin, le duo mère/fille portant quasiment l'intégralité du film sur ses épaules et formé par les actrices Marine Peake et Eleanor Worthington Cox ne peut être que saluer.
C'est en réalité plutôt sur le fond que "Gwen" montre des faiblesses. Non pas que son discours de résistance féminine ne fonctionne pas ou que l'exécution autour de l'ampleur qu'il est amené à prendre face à l'adversité ne convainc pas (le propos féministe est congru et même ici très explicite dans les forces s'opposant à travers cette période de bouleversements industriels méconnue de l'Histoire galloise) mais le film insiste tellement trop vite sur les indices autour de la menace pesant sur ces héroïnes qu'il en devient affreusement avare en surprises. Et, comme il arrive après d'autres films aux velléités plus que similaires, il devient difficile de seulement se raccrocher à ses atouts formels sans ignorer le caractère assez prévisible de l'entreprise, d'autant plus que les attentes suscitées par l'approche "épouvante" d'une telle histoire se retournent in fine contre "Gwen", force est de reconnaître que l'on ressort du film un peu sur notre faim malgré la cohérence de l'angle choisi pour exalter la force de son discours.
Pour peu que l'on adhère à ce genre de proposition, "Gwen" est un bel objet cinématographique, promesse d'un brillant metteur en scène pour l'avenir, mais, si l'on en est en plus familier, le film de William McGregor encourt le risque de ne guère surprendre sur ses finalités et de paraître bien plus anecdotique que certains de ses prédécesseurs se plaçant dans la même mouvance. Cela dit, ça n'enlève rien à ses qualités et à l'intelligence de son propos comme en témoigne la superbe scène finale et la dernière réplique lourde de sens sur lequel le film choisit de se conclure...