Un chassé croisé entre deux couples en souffrance que trois décennies séparent. D’un côté, Ardant-Auteuil alias Marianne et Victor, un tandem à bout de souffle après 40 ans de vie commune. Elle, psychanalyste snob, installée, veut exorciser la vieillesse. Pour ce faire, elle s’accroche, sans y croire vraiment, à son fils unique, (producteur de séries populaires, grisé par la réussite ) à son amant sans saveur et à la modernité ( même dans ses modes technologiques les plus absurdes ). Lui, dessinateur de presse et de BD en panne d’écriture, désabusé, s’isole au contraire dans la nostalgie et refuse totalement la société numérique. Malgré lui, il s’inscrit en double par défaut, en miroir de sa femme. Et à ce titre, Marianne le méprise, le maltraite et au final le chasse de leur luxueux domicile conjugal. De l’autre côté, Tillier-Canet alias Margot-Guillaume, des amants trentenaires infernaux, enfermés dans une passion destructrice, qui enchaînent ruptures et réconciliations. Lui self-made man autoritaire, narcissique et manipulateur, a créé avec succès La Belle Époque. Cette société offre à un public de nantis des expériences immersives sur-mesure, dignes des meilleures productions cinématographiques, pour découvrir ou revivre un moment du passé.
Quand Victor, éconduit et triste, vient revivre sa rencontre avec Marianne dans les studios de La Belle Époque, ce sera l’occasion de dialogues tripartites, de mises en abîme, et d’une succession d’allers-retours entre fiction et réalité. Des coulisses aux studios, des studios à l’envers du décor - qui, paradigme inversé, est ici la vraie vie -, les personnages se livreront et se retrouveront.
Ce film questionne avec sensibilité la complexité de la vie conjugale souvent régie par des rapports de force, par une guerre des narcissismes en jeu de miroirs. Sans y prendre gare, les protagonistes, s’enferment peu à peu dans leurs rôles jusqu’à la caricature - dominant-dominé, manipulateur-manipulé... - et perdent leur vie, focalisés l’un sur l’autre de manière stérile voire destructrice. La Belle Époque interroge également la psychologie des réalisateurs et des acteurs qui se livrent de manière intime au public à travers leurs scénarios et interprétations. Les seconds deviennent les jouets des premiers, le temps d’un tournage où fiction et réalité s’entremêlent. Profondément nostalgique, Nicolas Bedos jette enfin un regard tendre sur les années soixante-dix qui apparaissent bien désuètes et douces vues de notre temps hyperconnecté, en voie de déshumanisation et d’asservissement à une technologie trop souvent utilisée sans discernement.
Au final, une alchimie très réussie avec un scénario astucieux et original, des acteurs au meilleur de leur art pour deux heures de cinéma prenantes et impliquantes. On sort de la salle émus et retournés. Merci !