Pour son deuxième film en tant que réalisateur et scénariste, Nicolas Bedos frappe fort. « La Belle Epoque » est indéniablement un excellent film dans sa forme et sur le fond. Tout d’abord, je dois souligner que c’est un film inventif, avec plein de petites trouvailles de réalisation, des jeux de miroirs, des plans bien pensés, et surtout un montage facétieux et dynamique. Tout est parfaitement maîtrisé, jusqu’à la bande son (qui fait évidemment la part belle aux 70’s) qui sait se placer et se faire oublier quand il faut se faire oublier. Il y a un côté un peu « poupées russes » ou « film dans le film » qui pourrait être source de confusion alors que pas du tout, grâce précisément au montage. Chose trop rare dans le cinéma français, c’est un film remarquablement bien dialogué. Bon sang ne saurait mentir, Nicolas Bedos à l’art de la réplique qui tue, qui vise dans le mille et qui fait mouche. De ce point de vue, ça fuse pendant 2 heures à intervalles très réguliers, surtout au travers du personnage de Marianne, qui a le verbe haut et une fâcheuse tendance à livrer le fond de sa pensée sans le filtre qui va habituellement avec ! Le film dure 2 heures, on ne voit pas le temps passer alors que, sur le papier, après tout, on n’a pas à faire à autre chose qu’une simple histoire d’amour et de désamour, soit le thème le plus éculé de la fiction. Mais Nicolas Bedos, que ce soit grâce au montage, à la qualité de ses décors et des costumes (aspect un peu mis en abime par le scénario), aux dialogues ciselés et à l’ humour efficace, réussit son pari. « La Belle Epoque » mérite tout à fait la pluie de bonnes critiques qui s’est abattu sur elle ! Pour le jeune réalisateur qu’est Nicolas Bedos, c’est très prometteur. Il s’est offert, grâce à son carnet d’adresse, un casting 4 étoiles. De Fanny Ardant à Doria Tillier, De Bruno Podalydes à Daniel Auteuil, tout le monde est parfaitement à son affaire. Mais je vais faire une toute petite mention spéciale pour Guillaume Canet, qui se fait plaisir, visiblement, à incarner un réalisateur manipulateur, caractériel et colérique. Je soupçonne un petit peu d’autodérision devant certaines scènes où il incendie ses acteurs et se vautre dans la mégalomanie. Ce n’est pas la première fois qu’il se moque de lui-même, et je trouve qu’il le fait vraiment très bien. Daniel Auteuil réussit, quant à lui, à rendre son personnage attachant, alors qu’au départ avec le petit côté « c’était mieux avant » du personnage, ce n’était pas gagné. Il compose un nostalgique du passé qui pourtant n’est pas pathétique, et son retour de flamme envers la belle et jeune Marianne est ultra touchant. Sur le papier, l’intrigue peut paraitre confuse, et même improbable. Une entreprise de reconstitutions historique pour ultra –riche, ça a presque des airs de science fiction. Cet homme, malheureux et quitté par sa femme en 2019, veut revivre sa rencontre avec elle en 1974, c’est même carrément pathétique comme idée. Mais c’est l’occasion de livrer un film en forme de miroir, et de raconter deux histoires d’amour : le vieux couple qui s’est perdu face au jeune couple qui se cherche. Il y a d’un côté Marianne et Victor, en désamour, et de l’autre côté L’actrice Margot et le réalisateur Antoine, en mal-amour. Les deux histoires se parlent se répondent, se mélangent aussi, presque au point de donner le tournis ! Que dit au final « La Belle Epoque » ? Qu’il est difficile de s’aimer, de s’aimer dans la longueur, mais aussi d’accorder deux ego. Le propos n’est ni révolutionnaire, ni original, ni subversif, c’est certain ! Si le fond du film est un peu « bateau », la forme emporte le morceau. Victor veut revivre 1974, qu’il considère comme une époque bénie. Si je peux me permettre une remarque au passage il faut vraiment être un mâle blanc de plus de 60 ans pour avoir la nostalgie de 1974 ! D’ailleurs, Marianne le lui fera perfidement et justement remarquer à la fin du film, époque bénie, mais ça dépend pour qui ! On peut s’étonner et même trouver un peu désagréable le côté passéiste du film. Le scénario dépeint 2019 de façon un peu outrancière, comme une époque de modernité creuse, esclave de la technologie, où c’est bien connu « On ne peut plus rien dire ni rien faire » (on connait le rengaine…). En parallèle, il dépeint les 70’s comme une période liberté heureuse, de bon sens, de croissance et d’insouciance. C’est un peu facile, même pour un Nicolas Bedos, de jouer la carte du déclinisme, c’est même un tout petit peu décevant, je trouve. Mais comme il met énormément d’humour et de second degré dans son propos, alors on lui pardonne. « La Belle Epoque », est une réussite que, pour tout dire, je n’attendais pas. Pas forcément emballée par le pitch, je me suis retrouvée devant un vrai bon film de cinéma, drôle et pointu, et qui n’oublie pas au passage, d’être touchant, et même émouvant. Nicolas Bedos ne nous offre pas juste un voyage dans le temps, il explore aussi toute la palette des sentiments amoureux, il n’y a pas à dire, c’est du beau boulot.