Objet filmique non identifié; film muet - ou presque. Elia Suleiman prononcera une seule (courte) phrases dans un taxi new-yorkais: I am Palestinian. Ce qui déclenche un crise de délire chez son chauffeur, un gigantesque black qui, du coup, lui offre la course et téléphone illico à sa chérie "Yes, I have a Palestanian in my taxi! No, not Karafat, but an other Palestinian" Courte scénette parmi d'autres, car le film sans scénario est une addition de scénettes burlesques, voire surréalistes, ponctuées par le visage presque impassible de Suleiman, dont l'expression passe de.... sans expression à vaguement étonnée.... Plus Pierre Etaix que Chaplin!! Suleiman est, faut il le préciser, un Palestinien chrétien. Cette forme d'autodérision, de mélange d'étonnement et d'acceptation des bizarreries du monde est évidemment inenvisageable dans l'autre camp.
Vague, très vague pitch: Suleiman veut tourner une comédie sur la paix en Palestine (!!!!) et cherche un producteur en France et aux Etats Unis. Inutile de dire qu'il rentrera à Nazareth bredouille.... (Même si Gaël Garcia Bernal dans son propre rôle a essayé de l'introduire auprès d'une attachée de production) Un Nazareth rêvé, où la nature verdoie, où de jolies femmes marchent parmi les oliviers, où dans des ruelles tranquilles un voisin vous raconte l'histoire d'un énorme serpent qui, reconnaissant d'avoir été sauvé des griffes d'un aigle (énorme aussi) regonfle les pneus à plat de son sauveur en soufflant dedans.... où un autre voisin s'approprie sans vergogne le verger de citrons (clin d'oeil à Eran Riklis???) du réalisateur.... et où, à la fin, garçons et filles en courtes robes dansent sur des rythmes discos comme dans n'importe quelle ville d'ailleurs...
Entre temps notre candide a consulté un voyant. Question: y aura t-il un jour une Palestine indépendante? Au vu des tarots, notre voyant exulte: oui, oui, oui, c'est absolument certain! avant de doucher l'enthousiasme d'Elia: mais aucun d'entre eux ne la verra.... Le ciel peut attendre, n'est ce pas monsieur Lubitsch...
Une des premières scènes m'a particulièrement fait rire. Dans un restaurant, une jolie jeune fille entourée de ses deux frères, des grands baraqués particulièrement patibulaires qui appellent le patron. La jeune fille trouve son poulet un peu acide? Ben oui, c'est qu'il a cuit dans le vin blanc. Les deux furibards: tu as osé faire consommer à notre soeur de l'alcool à son insu? Ca va mal tourner.... Ben non, le patron arrive avec une bouteille de whisky, remplit les deux verres à ras bord et laisse la bouteille sur la table. C'est la tournée du patron.... La jolie fille peut reprendre son assiette tranquillement.
A Paris, Elia voit des flics en patins à roulettes ou en gyropodes qui font des ballets.... D'énormes chars, menaçants, passent, et dans le ciel, des avions de chasse. Ben oui! on prépare la revue du 14 juillet... Des véhicules du Samu viennent servir cérémonieusement un plateau repas style compagnie aérienne à un Sdf...
A New York, au supermarché, tous les clients portent en bandoulière un énorme fusil d'assaut, voire une mitraillette....
Tout cela fait-il un film? Pas vraiment, mais on est toujours heureux en compagnie de l'élégant Suleiman, ses panamas et ses chemises bariolées, dans une aventure poétique et lunaire. On sait qu'il a vécu et travaillé à New York; mais le Paradis, sans doute est ce cette Galilée, dans un monde où régnerait la paix....