On croit d'abord que "Macunaïma" est un éloge de la paresse, du désir et de la vie rêvée, en marges de la société; le film est cynique et joue avec l'absurde, mais est toujours prenant, drôle et plein de vie. On est en 1970, l'agitation politique et la libération des moeurs à l'occidentale pénètrent largement le cinema novo, se mêlant avec bonheur aux paysages et aux visages bigarrés du Brésil. Mais un fond plus sombre hante "Macunaima", celui des contes de Perrault et des légendes païennes, telles qu'elles sont traitées, par exemple, dans les films de Pasolini. L'existence est absurde, et elle finit où elle a commencé; quant au désir, jamais assouvi, il a la mort pour compagnie. Il est intéressant de se rappeler que la même année "Peau d'âne" sortait en France. Il existe des affinités entre ces deux films, ressuscitant un univers magique, inquiétants malgré les apparences (Macunaïma l'est cependant de manière bien plus évidente) et usant, avec adresse, du mauvais goût. Nous évoluons dans l'univers troublant des contes: Peau d'âne était princesse et souillon, ici un enfant naît adulte, puis de noir devient blanc. Les formes passent l'une dans l'autre et tout semble promis à la dévoration: Macunaïma cherche à manger, rencontre des ogres et des femmes lubriques, s'enfonce dans l'eau et les marécages. C'est la face sombre des seventees, l'envers de la libération du désir. Les références que nous faisons à l'"époque" ne signifient pas, au demeurant, que le film soit daté ou extrêmement connoté: il a très bien vieilli et est même étonnamment moderne.