Richard Billingham est un photographe britannique reconnu. Son champ d’exploration est d’abord autobiographique. Il doit sa renommée à ses clichés réalistes sinon trash qui mettent en scène sa famille dans l’album "Ray’s Laugh" publié en 1996. Les protagonistes : son père alcoolique et sa mère obèse et tatouée, entourés de leurs nombreux animaux de compagnie. L’autre sujet de prédilection de l’artiste est l’étude des animaux (il a photographié les zoos du monde entier) : ceux qui sont domestiqués et acceptent leur servitude, ceux qui sont encagés et perdent leur raison d’être.
Dans ce premier film, construit en trois épisodes ( 1- un après midi où les deux jeunes enfants du couple, Jason et Richard, sont gardés par un oncle débile et alcoolique. 2- quelques années plus tard, la fugue du jeune Jason qui manque mourir de froid sous l'appentis d'un voisin. 3- la déchéance du père, Ray qui, quitté par sa femme, vit enfermé dans une chambre et ne se nourrit plus que de la bière “ faite maison� apportée par un proche), on retrouve les thèmes obsessionnels du photographe qui donne à deux acteurs professionnels le rôle ingrat de ses parents au milieu de l'Angleterre des années quatre-vingts.
Richard Billingham explore l’animalité de cette humanité déchue. La misère est autant physique (corps abîmés par l’alcool, la nourriture bon marché, le mauvais tabac, les tatouages, le manque d’hygiène) que morale (ennui, absence totale d’éthique, d’amour, d’autorité parentale, de projets de réinsertion sociale).
Les protagonistes comme les animaux du zoo ( Liz ressemble à un pachyderme) sont mis en cage. Ils sont enfermés dans un appartement sale dont ils ne sortent plus par honte, découragement, peur d’affronter le réel.Leurs réactions finissent par ne plus être emprises d’aucune humanité: ainsi la joie sadique de Liz à taper à coups de chaussures à talons sur la tête de son beau-frère vautré dans son vomi.
Le film est brutal, violent, déroutant, outrancier, repoussant et même grand-guignolesque dans l’excès de ses représentations.Si l’on comprend parfaitement les intentions de l’auteur, elles ne suffisent pas à lui pardonner les errances ni les longueurs insupportables des prises de vue. Encore moins une complaisance certaine à répéter certains plans comme ceux des mouches à bière mises sous verre, métaphore appuyée de ces humains prises au piège. Certes ces belles images symboliques sont là pour forcer la réflexion et l’imagination du spectateur. La bande sonore avec notamment “ Pass the Dutchie� du groupe reggae "Musical Youth" l’empêche de sombrer dans une profonde léthargie. Néanmoins, il ne faudrait pas trop lui demander : ce n’est pas à lui de transformer ce riche galimatias en un scénario qui tienne la route.