Jessie Buckley s’est donnée du mal, ça ne fait aucun doute. Nous la voyons s’égosiller à tout bout de chant, vibrer au rythme de la country music curieusement enracinée à Glasgow, ville-portuaire aux antipodes de la légendaire Nashville. Se tenait là un vrai sujet : comment une chanteuse au talent véritable subit les affres d’une existence-miroir, tel le versant médiocre d’une médaille glorieuse, pour se résigner à sa condition et drainer sa terre natale de sorte à l’abreuver d’une essence musicale nouvelle. Rose-Lynn Harlan est née dans le mauvais pays, n’a de cesse de renier un ancrage où sa musique n’a pour vocation que de faire danser des retraités amateurs. Pourtant, une fois l’océan traversé, la désillusion s’installe : la capitale de la country se mue en parc d’attractions où les stars autoproclamées forment les rouages d’une économie basée sur les légendes passées, et la fille aux bottes de cowboy assiste aussitôt à la mort d’un idéal. Œuvre crépusculaire, œuvre construite sur le déplacement de l’horizon d’attente d’un ailleurs vers un ici-bas, Wild Rose n’est pourtant rien de cela. Car le film épouse l’opportunisme de son personnage principal : aucun obstacle ne cède à son cheminement, la réalité ne semble avoir aucune prise sur elle, tout coule comme une bouteille de whisky renversée sur une chaussée en pente. Nous comprenons d’ailleurs tardivement que les figures évoluent en Écosse et non en Angleterre, ou en Amérique, ce qui fait que les mouvements n’ont pas l’importance qu’ils revêtent aux yeux de la musicienne : nous sommes baladés d’un endroit à un autre entre deux insultes et un rot de Coca, puis revenons au point de départ, dans l’envie de partager, encore et encore et encore, le repas si chaleureux de la famille pour un temps réunie. Constamment abasourdi par la vulgarité outrancière mais jamais remise en cause de Rose-Lynn, le spectateur suit avec peine les horreurs infligées à des enfants dont la profondeur dramatique fait d’eux des girouettes émotionnelles : quand le vent tourne et que les larmes viennent à manquer, on ramène les gosses qui, de la haine la plus sourde, passent à l’amour le plus tendre. Tom Harper n’a aucune connaissance des rouages les plus élémentaires de la psychologie – voir à ce titre la grande nullité dont il est le responsable, La Dame en Noir 2 –, et malmène par je-m’en-foutisme toute idée de cohérence interne au caractère des personnages : une amitié s’improvise entre la chanteuse et son employeuse, puis vient la menace de l’employeur, un contact sorti du chapeau, des affaires volées dans un train... Et le discours féministe hurlé par la grand-mère boulangère ! Chemin de croix pour Rose-Lynn, chemin de croix pour un spectateur qui, par respect pour la country music, reste jusqu’au générique de fin, mais qui, par amour pour le cinéma, ne peut défendre un tel ratage Nous lisons sur l’affiche que Jessie Bucley est « A true Star is born ». Pas de chance pour lui, son film s’avère encore plus mauvais que le produit de même nom sorti l’année dernière.