Je pense que c'est un bon film.
Le scénario est complexe. Les critiques négatives montrent cependant qu'il y a un souci : la forme laisse trop penser à un film réaliste alors qu'il y a un sous-texte fort, une seconde lecture fortement symbolique, mais que les auteurs ne l'ont pas rendu assez évident. Si l'on veut que le message passe, c'est une erreur. Si l'on veut que le film devienne culte dans quelques années, c'est bien essayé mais ça risque de passé au travers parce qu'il touche à des envies profondes pour un public qui souhaite des évidences et non des réflexions. C'est donc selon moi un défaut de lecture du public et, du coup, un défaut de format. Je m'explique.
Beaucoup de critiques mettent en avant la volonté des auteurs de dénoncer les dangers d'Internet et les risques du vol d'identité. C'est, selon moi, un non-sens. Les scénaristes nous amènent sur cette piste-là puisque c'est une peur qui est brandit de partout avec pour résultat des effets d’annonce autour des contrôles de données. On n'entend presque plus que cette peur dans les débats autour d'Internet et elle absorbe les attentions. C'est un peur omniprésente alors que (relativement) peu de gens (comparé nombre d'utilisateurs) sont victimes de ce délit. C'est une peur évidente, celle qui met la puce à l'oreille, qui accroche le spectateur.
Or, ce que le film tente de mettre en avant, selon moi, (et non pas de dénoncer, puisque l'héroïne finit par y retourner mais en ayant appris de son expérience au passage), c'est plutôt les dangers face à la dépersonnalisation et à ce que les "médias" sociaux font à notre image et la perception que les autres et nous-même avons de cette image.
Il questionne comment cette image "médiatisée" nous permet de nous situer dans une société et comment ces médiations opèrent un impact de le "réel" relationnel. Le fait d'utiliser le mot "réseaux sociaux" plutôt que médias fait croire à une simple structure neutre alors que le média implique en réalité une transformation de l'information transmise. On croit transmettre une information réelle mais elle est médiée, modifiée, transformée, nous dépasse nous et nous absorbe parfois.
C'est cette réalité-là que les auteurs souhaitent mettre en avant. Une réalité qui n'est pas la peur évidente et mise sur le débat public (le vol d'identité), qui est latente, invisible, mais face à laquelle on est tous soumis. Tout le monde ne subit pas des effets désastreux mais tous sommes soumis aux effets de ces "médias sociaux".
Le problème du film est donc ne pas avoir fait voir à son public que l'accroche n'est qu'une accroche et que la finalité est sous-jacente, que ce n'est pas un film qui s'encre dans un format réaliste mais métaphorique. Je ne pense pas que qui que ce soit vole l'identité de l'héroïne (bien incarnée au demeurant). Ou peut-être est-ce les deux ?
Je vous encourage à relire la critique de JocaPostarious qui est éclairante, même si la démonstration est parfois basée sur des approximations.
Ce que je trouve intéressant c'est que l'on peut facilement taguer cette vision que je développe comme encore très négative sur l'activité de cette fille.
On remarque que la mère ne juge pas sa fille, qui pourtant n'assume pas ce qu'elle fait. Elle va même jusqu'à voir en la démarche de sa fille une volonté d'émancipation. Elle la voit plus sûre d'elle. D'autres éléments tante de nuancer le jugement du spectateur sur l'activité de l'héroïne, mettant en avant qu'elle organise la fête d'anniversaire de son frère, lui offre des cadeaux, et est même totalement indépendante. Alors que son frère ira jusqu'à renier sa sœur au moment où la situation est la plus désastreuse pour elle qui est exclue de la communauté de la ville et qui vire (semble-t-il), à la schizophrénie. La scène est d'ailleurs visuellement très évocatrice de la situation : le tag sur la maison, la cuisine dans la pénombre, quelques raies de lumière. Elle questionne énormément donc le rapport à comment le regard porter par la société sur ces activités, les jugements qu'on impose aux individus qui les pratiquent, peut-être bien plus destructeurs que les dangers qui sont mis en avant partout, à savoir le vol d'identité.
Cela questionne donc comment on pense se donner à voir dans le société, comment ça nous transforme socialement et les conséquences négatives que la société renvoie à des activités communément admises comme infamantes. Cela a d'autant plus de sens quand un pense aux événements qui ont émaillés l'INDUSTRIE du porno depuis ces quelques années, notamment avec les suicides et les harcèlements (notamment des fans, ce qui renvoie à l'attitude de TinkerBoy dans le film).
C'est donc la portée "sociale" du média qui est questionnée de fait. On le revoit encore avec les relations qu'Alice (l'héroïne) entretient avec les filles de son milieu (qui n'est justement pas encore professionnel), encore à mi-chemin entre des rivalités entrepreneuriales et des copinages peu fiables.
La recherche de différents niveaux de lectures est d'autant plus pertinente quand on sait que la scénariste Isa Mazzei est une ancienne CamGirl qui a vécu les affres du job et qui se revendique aujourd'hui comme féministe, semble-t-il.
Donc, pour revenir à la critique initiale, je dirai qu'il y a un truc à régler au niveau du pacte avec le spectateur, qui n'est pas encore assez bien affiné. Sinon ça reste une satire sociale pertinente, comme j'aime le voir dans un bon film d'horreur (même si je n'ai pas ressenti de frayeur), sur un sujet peu abordé me semble-t-il, surtout sur une média de masse comme Netflix.