Il est loin, le temps du yé-yé avec ses chanteuses ingénues dont l’exemple le plus fameux reste France Gall interprétant innocemment « Les sucettes à l’anis » sans percevoir le double sens des paroles concoctées malicieusement par Gainsbourg. Les femmes qui font de la chanson aujourd’hui préfèrent d’ailleurs se référer à Edith Piaf pour ce qui concerne l’intensité et la passion. D’autres noms pourraient également être proposés, à mon avis, parmi les chanteuses réalistes de jadis, Fréhel ou Damia par exemple.
Quoi qu’il en soit, ce documentaire, qui donne la parole à quelques-unes des voix féminines de la chanson, se révèle passionnant. Elles ne sont pas banales, ces femmes-là, que ce soit sur la scène ou dans les coulisses lorsqu’elles racontent leur parcours et expriment leurs convictions. Jeanne Added, Jehnny Beth, Lou Doillon, Brigitte Fontaine, Charlotte Gainsbourg, Françoise Hardy, Imany, Camélia Jordana, Elli Medeiros, Vanessa Paradis… Dans le monde du rock, généreusement investi par les hommes, elles ont trouvé leur place, elles ont affirmé leur singularité. Même celles qui reconnaissent avoir beaucoup dépendu d’un ou de plusieurs hommes ont néanmoins réussi à mettre en avant leur particularité, d’une manière ou d’une autre.
Il n’est d’ailleurs nullement question d’une guerre des sexes dans ce documentaire, bien évidemment, mais plutôt de l’expression d’une évidence ou de ce qui devrait en être une pour tous : être féministe, cela va de soi ! Encore une fois, non dans un sens conflictuel, mais dans celui d’un simple constat. Et s’il y a encore bien des revendications féministes à faire valoir, c’est que, malheureusement, ce qui devrait être évident ne l’est pas pour tout le monde.
Les chanteuses, elles, bousculent à bon escient les codes et les idées toutes faites. Elles sont audacieuses, iconoclastes, inventives, généreuses, fortes et fragiles à la fois. Et quand elles revendiquent, elles le font pour de bonnes raisons. Elles sont parfois également ambivalentes car elles savent bien que la frontière des genres, contrairement à ce que d’aucuns voudraient faire croire, n’est pas hermétique. Celles qui paraissent dans ce documentaire ne laissent pas indifférent, c’est sûr. Sachant qu’il en est bien d’autres qui ne sont pas dans ce film et qui sont tout autant bourrées de talent. On n’a pas fini de s’enthousiasmer, avec la chanson au féminin pluriel !