Une sacrée belle surprise qu’on ne voyait pas venir avec ce magnifique « Queen and slim ». Et surtout la seconde le même mois, après le sublime « Waves », à être porté par une distribution quasiment essentiellement d’origine afro-américaine, preuve que ça bouge un peu du côté d’Hollywood au niveau de la représentation des minorités. Ceci mis de côté, on peut également mettre en exergue le fait que ce soit un premier film d’une réalisatrice de clips et de séries Melina Matsoukas. Et c’est clairement un coup de maître. Le début prend peu ou prou le même postulat que « The Hate U Give » sorti l’an passé, soit une arrestation injuste et partiale d’un couple afro-américain au volant par un policier blanc raciste. Sauf qu’ici c’est le policier qui est abattu. Une scène forte et radicale, peut-être un peu manichéenne et excessive mais qui permet à « Queen and slim » de poser ses galons et de lancer une intrigue totalement jouissive et imprévisible. Et aussi de voguer vers un bonheur cinématographique de chaque instant qui nous emmène vers des directions soupçonnées. Il émane même de ce film une douceur et un sentiment de plénitude, étonnant au vu des événements en cours, plus les tourtereaux descendent du Nord au Sud des USA.
Ce qui surprend le plus ici c’est ce délicat numéro d’équilibristes que réussissent les scénaristes et la réalisatrice de ce « Queen and Slim ». Le mélange des genres n’est pas donné à tout le monde et pourtant ici, c’est d’une fluidité qui s’apparente à la perfection. Débutant comme un thriller, se poursuivant comme un road-movie teinté de chasse à l’homme, accrochant au passage le genre politique et la chronique sociétale contestataire pour se terminer comme un magnifique film d’amour, le mélange était osé et ardu. Il se révèle comme par magie particulièrement probant à l’écran. Mieux même, il est clairement passionnant et hypnotique. On est convié à une ballade criminelle et amoureuse à travers les Etats-Unis, une ballade filmée avec brio et emballée avec maestria. Cela fait tellement de bien de voir un cinéma différent, hors des carcans habituels, tellement habitués que nous sommes à voir des films formatés, entre gros blockbusters et petits films indépendants, laissant la voie du milieu dépérir à petit feu. Il faut donc encourager ce cinéma à la fois engagé et divertissant qui sait être exigeant.
Le long-métrage pourra apparaître un peu opportuniste d’arriver sur les écrans juste après les récentes affaires mettant en cause policiers blancs et population noire. Au contraire, on le trouvera juste opportun, comme un miroir sociétal d’une certaine partie de l’Amérique. Nécessaire même, quand bien même certaines scènes n’y vont pas avec le dos de la cuillère pour appuyer le propos. Justement, celle de la station-essence paraît invraisemblable et celle de l’émeute, un peu de trop. La puissance du propos et la clairvoyance du spectateur suffisaient selon nous à comprendre où la réalisatrice voulait en venir. Deux séquences sur deux heures de film c’est peu et on n’en tiendra pas rigueur. A l’inverse, il y a des séquences qui ont vraiment de la gueule. Dans le suspense, comme celle chez le couple blanc qui cache les protagonistes, mais aussi dans la sensualité comme cette sublime scène de danse dans un bar enfumé. De manière générale, « Queen and slim » est filmé avec grand soin, on sent que la néo-cinéaste vient du clip, et tout ici a fort belle allure. Même les paysages délabrés de Louisiane, du Kentucky, de l’Ohio et de Floride, loin de ce qu’on peut voir de l’Amérique filmée habituellement, sont capturés de belle manière. Ce beau duo de cinéma entre un « Thelma et Louise » contemporain et un « Bonnie and Clyde » black et sans le vouloir, illumine l’écran. Et même si le dernier quart ronronne un peu, on ne s’ennuie pas une seule seconde jusqu’à un final époustouflant, tragique et magnifique. Une découverte aussi nécessaire que passionnante.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.