Avec un Chucky parti ensanglanter le petit écran, une Annabelle en léthargie derrière une vitrine de la collection des Warren ou encore un Brahms abandonné volontairement aux objets trouvés après le deuxième "The Boy", il était temps que le cinéma de genre US invente une nouvelle poupée tueuse capable de s'imposer dans le créneau laissé vacant par ses plus ou moins illustres consoeurs/confrères. Dans la lignée du Chucky 2.0 du reboot de 2019 (mais au design beaucoup moins moche), cette relève meurtrière est donc aujourd'hui assurée par M3GAN, un prototype de poupée high-tech que son inventrice, une sorte de Tony Stark de la conception du jouet, choisit de tester auprès de sa nièce laissée à sa garde après un terrible drame. Dotée de capacités évolutives assez sidérantes pour répondre aux besoins d'un enfant, M3GAN va évidemment outrepasser ses directives initiales avec un comportement de plus en plus radical envers celles et ceux qu'elle juge être des obstacles entre elle et le bien-être de sa jeune propriétaire...
N'y allons pas par quatre chemins, "M3GAN" ne vaut le coup d'oeil que pour sa star robotique en elle-même. Par son apparence de petite fille factice, la découverte de ses aptitudes grandissantes, sa façon aléatoire de se mouvoir ou le sentiment de dangereuse dérive qui couve derrière ses regards appuyés, la seule présence aberrante de la poupée androïde au quotidien (et dans certains décors, celui de la forêt est bien trouvé) est le principal vecteur d'un minimum de malaise au sein d'un long-métrage peinant clairement à la mettre en valeur par son manque flagrant d'audace.
Si, derrière son ascendant progressif sur la fillette puis ses passages à l'acte sur de rares victimes toutes désignées, le potentiel de M3GAN en tant que poupée déviante next gen se fait parfois bien sentir, on en vient très vite à imaginer le film bien plus réjouissant et fou qu'un James Wan en mode "Malignant" (il n'est ici que producteur) aurait pu en tirer pour échapper à celui si peu original que l'on nous inflige, bridant le moindre effort de la petite tueuse connectée par sa réalisation passe-partout et les ressorts d'un récit incroyablement paresseux.
À travers la relation mère-fille de substitution ultra-clichée ou le milieu professionnel caricatural dans lesquels vient s'immiscer cet élément perturbateur, "M3GAN" ne va faire en gros que répéter son leitmotiv simpliste -la technologie ne peut remplacer la présence d'un être humain, un truc de dingue !- en suivant un chemin tout tracé dans la montée en puissance des agissements de sa menace, sans jamais chercher à en dévier vers quelque chose qui pourrait transcender ce schéma linéaire maintes fois utilisé (à part celui d'offrir au personnage de la tante/créatrice la réactivité d'une limande fossilisée devant la dangerosité pourtant si évidente de M3GAN). Le dernier acte aura au moins le mérite de se montrer un peu plus mouvementé même si, là encore, les événements s'enchaîneront sans surprise pour s'achever sur un épilogue cristallisant à lui seul la très faible dose d'inventivité de l'entreprise.
Bref, une bonne poupée dingue ne fait pas forcément un bon film, et encore moins dingue. Aussi technologiquement avancée soit-elle, M3GAN aurait eu besoin des ficelles d'un vrai bon marionnettiste au-dessus d'elle pour s'imposer comme une tueuse iconique de son espèce. Ici, malgré ses qualités intrinsèques de jouet hors norme, elle n'est l'objet que d'un premier crash-test peu concluant.