Autant j’avais apprécié la vision de Jarmusch sur les vampires dans son " Only Lovers Left Alive", autant aujourd’hui je ne suis pas aussi enthousiaste envers son "The Dead Don’t Die" et ses zombies. Pourtant, on retrouve bien la patte de Mister Jim dans ce métrage : 01) Oui, c’est drôle : absurde, comique de répétition, décalage des comportements et des dialogues…on n’est vraiment pas dépaysé à ce niveau là ! 02) Oui, c’est hyper référentiel : entre la référence directe dans les dialogues (
« il faut tuer la tête ! »
) à la plus subtile (
les jeunes « hipsters » conduisent une Pontiac identique à celle présente dans le métrage
) au film culte "La Nuit des Morts-Vivants" de George A.Romero, Jarmusch s’amuse à nous inonder de clins d’œil plus ou moins dissimulés (
le porte-clé "Star Wars" d’Adam Driver, la comparaison entre l’hôtel du coin avec le Bates Motel de "Psychose", les diverses affiches de films de genre dans la boutique de Bobby comme "The Thing" ou "Vendredi 13", la tombe au nom de Samuel Fuller, Iggy Pop qui incarne un zombi accro au café faisant directement référence au personnage qu’il incarnait dans un autre film de Jarmusch "Coffee and Cigarettes"…
) 03) Oui, il y a bien des messages précis qui servent la toile de fonds du récit (c’est le non respect écologique des humains qui dérègle la Terre et ramène à la vie les morts ; les morts essaient désespérément de continuer leur « occupation » préférée quand ils étaient vivants, ce qui nous amène à dire que nous sommes nous même des zombies collés devant leurs écrans tous les jours). Mais le véritable souci du métrage, c’est que malgré la « Jarmusch touch », malgré l’hommage vibrant aux films zombiesques, jamais il ne propose un renouveau du genre ou ne s’assume comme une parodie en bonne et due forme : rien de nouveau au genre n’est proposé ! Même pire : en décalage total, Jarmusch ne respecte pas les codes pour faire de l’arty zarbi ! Je ne parle pas de « non-sens » comme dans certains films de David Lynch ou Quentin Dupieux où l’étrange fait parti de l’univers proposé et sert le récit ; non ici on tomber juste dans l’incohérence totale qui au final perd le spectateur (les brisages du 4ème mur concernant la musique du film et son script n’amènent rien à l’histoire…et quand à la loufoque « révélation » concernant le personnage du légiste, bonjour l’inutilité !!) Le pire, c’est que tout ce gloubi-boulga est essayé d’être expliqué par le personnage de l’ermite et ses monologues insipides, uniquement pour nous dire que tout est écrit et que le monde est foutu : là on se retrouve carrément devant un film bâclé par un fumiste méprisant…et ça me fait super mal au cœur de dire ça de Jim Jarmusch !! Heureusement que la pilule passe un peu mieux grâce au casting 5 étoiles et à leur interprétation : Bill Murray et Adam Driver incarnent à la perfection le Shérif et son adjoint, le premier totalement déconcerté par les évènements mais surtout par l’incroyable impassibilité du second, Caleb Landry Jones est très sympathique en vendeur geek incollable sur les zombies, Chloë Sevigny est paradoxalement hilarante en policière effrayée au bort de la rupture, Steve Buscemi est parfait en infect péquenaud raciste conservateur et Tilda Swinton est bonnement géniale en légiste totalement barrée ! Quand aux autres comme Danny Glover ou RZA, même si leur temps de présence à l’écran est assez restreint, ils n’en demeurent pas moins agréables. Non, la seule déception à mes yeux reste Selena Gomez : son personnage part trop vite du récit alors qu’on l’à longuement présenté, de la pure sous-exploitation. Bref, "The Dead Don’t Die" est pour moi un film raté : drôle sans être hilarant, pas assez sérieux et pas assez assumé comme pastiche, même si la vision du réalisateur sur une Amérique trop pro-Trump et obnubilée par les nouvelles technologies est assez sympathique, Jarmusch se laisse aller en roue libre et ère encore. C’est vraiment dommage parce qu’avec un tel pitch et un tel casting, le film avait tout pour devenir un incontournable de la comédie horrifique au même titre que "Bienvenue à Zombieland" ou "Shaun of The Dead". Une péloche qui se laisse regarder, mais qui n’empêche pas à la fin d’avoir un léger goût amer dans la bouche…