Jacqueline Sauvage : tout le monde a entendu parler de cette femme à un moment donné ou un autre tant son histoire et son dernier procès ont été médiatisés. Vous savez, c’est cette femme opprimée qui a vécu un enfer jusqu’au jour où elle s’en est libérée. Enfin libérée… si on veut puisque c’était pour se plonger dans un autre enfer, celui de la détention. Et puis il y a Muriel Robin, que tout le monde connait à travers ses sketches, avant qu’elle ne devienne une personnalité engagée, à commencer par les Restos du Cœur. Et puis un autre combat s’est imposé à elle comme une intime évidence, un combat tout aussi important pour ne pas dire même plus : celui des violences conjugales. On sait Muriel concernée par ces choses, mais de là à prêter ses traits à ceux de Jacqueline Sauvage… Pourtant, on la savait capable de se transformer du tout au tout. Souvenez-vous : elle avait endossé le rôle-titre dans le téléfilm de Christian Faure, "Marie Besnard, l’empoisonneuse…". Un rôle assurément difficile, en particulier quand il se situe à l’exact opposé du métier de one-woman-show ! Et pourtant, Muriel Robin m’avait littéralement sidéré ! Me rappelant de cette prestation mémorable, je l’attendais bien évidemment au tournant. Eh bien elle ne m’a pas déçu. Loin de là. Mieux : elle m’a soufflé. C’est simple : elle ne joue pas un rôle… elle EST Jacqueline Sauvage ! Bien sûr, c’est toujours plus facile quand on se sent pleinement concerné, mais quand même !! De là à savoir pleurer sur commande pour servir son personnage… alors là c’est la cerise sur le gâteau. Nombreux sont les acteurs à ne pas savoir faire ça. De vous à moi, qui aurait cru, quand elle nous faisait rire en arpentant les planches des salles de spectacle, qu’elle aurait été capable d’endosser avec autant de brio des rôles aussi graves ? Certainement pas moi en tout cas. Le fait est que c’est à croire qu’elle est faite pour ce genre de rôles car elle est carrément méconnaissable. Après, il faut reconnaître qu’Olivier Marchal lui donne parfaitement la réplique. Il est même sacrément effrayant, notamment lors de la première colère de son personnage. Ce dernier a suscité non seulement une grande peur auprès des siens, mais aussi auprès du spectateur. Car le téléfilm ne s’est pas contenté de raconter l’histoire de Jacqueline sauvage, il est allé plus loin en portant à l’écran des scènes violentes. Des scènes glaçantes, à la limite du supportable. En somme, il a raconté le calvaire qu’a subi cette femme, porteuse d’un nom patronymique qui probablement ne lui pas été d’un grand secours, bien au contraire. Quoiqu’il en soit, les problèmes d’éthique ont été parfaitement posés. Que faut-il faire quand on est victime de violences conjugales ? Que convient-il de faire ? Apparait dans ce téléfilm toute la difficulté de répondre à cette question pourtant simple. Je crois que seules les personnes ayant été victimes de ce phénomène peuvent comprendre l’importance de l’emprise, de la peur qui vous pétrifie sur place, de ce sentiment de normalité quand on n’a connu que ça, de ce sentiment de honte vis-à-vis de l’entourage. Et j’en oublie certainement. Mais de là à ne pas comprendre ou de faire mine de ne pas comprendre pour punir coûte que coûte le crime commis (car quoi qu’on en dise ça en est un), alors là ma réaction a été vive : je n’avais qu’une envie, trucider les avocats qui voulaient envoyer cette femme derrière les barreaux en essayant de démontrer par A B qu’il y avait des solutions faciles et simples. Eh bien il s’avère que ce n’est ni facile ni simple, surtout quand il y a des personnes au milieu, en particulier les enfants. Mais bon sang qu’on a envie de secouer l’avocat général qui ne comprend rien à rien, notamment en psychologie humaine, et cette juge qu’on se surprend à qualifier de cruche ! Mieux : on se demande comment on peut mettre des hommes de lois qui n’ont aucune notion en psychologie humaine. Pour juger une affaire, ne doit-on pas prendre en compte tous les aspects pour comprendre comment on a pu en arriver là ? Là aussi ça pourrait donner lieu à un débat. Juger une affaire, s’en tenir aux faits, c’est parfois tellement arbitraire… "Jacqueline Sauvage : c’était lui ou moi" n’aurait été cependant pas complet si la loi du silence n’avait pas été traitée. Combien de gens sont conscients de la gravité des choses, et ne s’en mêlent pas tout simplement parce que ce n’est pas leurs affaires ? Combien de gens préfèrent même mettre de la distance, jusqu’à ne plus avoir aucun relationnel avec le couple visé ? Non pour moi, cette œuvre est complète. Et comme l’a dit le magazine Télé 7 jours, un film d’utilité publique. Car ce drame aurait pu être évité si en amont les choses avaient été prises en compte avec plus de sérieux, et si on ne cachait pas le lancement de la prise en charge derrière les standards des procédures officielles, ces procédures qui apparaissent pour le coup très (trop ?) rigides… et inadaptées. La preuve est apportée ici que ces procédures montrent leurs limites. Mais l’air de rien, le débat est bel et bien lancé, une fois de plus après "L’emprise" dont l’affaire a été évoquée. Peut-on vraiment considérer ce cas comme un véritable cas de légitime défense ? Peut-on se laisser aller au meurtre suite à l’immobilisme des services sociaux et de la justice ? Personnellement, j’ai un avis bien tranché sur la question. Ne m’en veuillez pas si je le garde pour moi. Ceci dit il est temps que ce fléau prenne fin. Car c’est insupportable. Insupportable et inadmissible. Quant à la réalisation, que dire ? Elle est peut-être vieillotte, des plus classiques. Je ne considère pas que ce soit un problème. D’accord elle ne s’offre aucune originalité, mais est-ce que le jeu en valait la chandelle, au risque de se perdre dans des effets de style qui risquaient de dénaturer le propos ? Non la mise en scène est sobre, empreinte de gravité, conforme à la situation qui nous est présentée. Et surtout Yves Rénier a su rester au plus près de la réalité. Et ma foi, que cette réalité peut être dure parfois…