Rick Alverson (né le 25 juin 1971, Spokane, Washington) est un cinéaste et musicien américain vivant à Richmond en Virginie. Il a réalisé entre autres les long-métrages The Mountain (2018), Entertainment (2015) et The Comedy (2012). Son travail a notamment été présenté aux festivals de Sundance ou Locarno.
The Mountain est librement inspiré de la vie du neurologue américain Walter Freeman, connu pour ses lobotomies controversées. Le réalisateur Rick Alverson revient sur sa fascination pour ce personnage. "Il incarne à mes yeux un certain type d’Américain, mû par un esprit d’entreprise. Il me semblait appartenir à un archétype, ancré dans la psyché américaine. Il était téméraire et visionnaire mais inconscient de toutes les implications de ses actes. Mes précédents films s’attachaient aux utopies américaines et ce film-là en est en quelque sorte la genèse. Je suis fasciné par la vie de Freeman mais je ne m’en suis inspiré qu’à la marge : son existence n’a servi que de trame à cette histoire. Je souhaitais également rompre avec l’imagerie romantique des années 1950 aux Etats-Unis, en situant mon film à cette période. Même si certaines productions de l’époque pointaient des problèmes sociologiques, cette vision d’Epinal a longtemps perduré."
Selon le réalisateur Rick Alverson, la lobotomie est une métaphore de la passivité que l'on observe chez de nombreux spectateurs mais surtout que l’on fabrique au niveau de l’industrie cinématographique. "Je m’intéresse beaucoup à la réception des films chez les spectateurs. Le cinéma et les séries sont aujourd’hui conçus pour rendre les gens passifs, baisser leur niveau culturel et les rendre malléables. Pour moi, il y a un parallèle entre le procédé chirurgical et la volonté d’annihiler la culture et l’esprit chez les spectateurs."
Pour Rick Alverson, tous ses films sont politiques et The Mountain ne traite pas de l’utopie directement mais du récit d’une utopie. Les personnages masculins sont prisonniers de ce récit utopique qui a trait au progrès et à la compétition. "De l’extérieur, on les perçoit comme des personnages qui s’effondrent et qui sont dysfonctionnels mais à l’intérieur, ils sont mus par ce rêve utopique qui nous vient d’une Europe agitée et qui a été importé en Amérique puis exporté partout dans le monde. Je pense que The Mountain est un film anti-utopique. Il est critique envers la narration. C’est un film formel avant tout."
Le cinéaste Rick Alverson explique que faire des films aux Etats-Unis est très compliqué, surtout si vous vous opposez à un modèle commercial. Le réalisateur a trouvé un partenaire formidable en Vice Studio. Mais il est très compliqué de faire un film d’époque volontairement difficile, sans financements émanant de l’Etat. "Nous avons tourné pendant cinq semaines à l’automne 2017 : dans 14 villes différentes au Nord de New York, mais aussi dans six autres décors dans le Pacifique nord, non loin du Canada. Ainsi que dans le Parc national Olympique, situé dans l’Etat de Washington, nous avons fait deux côtes ! C’était une production très ambitieuse", confie le metteur en scène.
L’usage de couleurs ternes, que l’on retrouve d’un décor à l’autre et dans les costumes, donne l’impression que les personnages évoluent dans une prison mentale. Rick Alverson adore l’idée de personnages prisonniers du cadre. Cela renforce l’idée que ce que l’on voit n’est pas réel, que c’est un échec. Ce qui fait de The Mountain un objet formel qui produit des effets sur nous. "Je veux que le public prenne conscience de l’artificialité du film pour qu’il s’interroge sur la forme. La croyance dans le récit est alors interrompue et le spectateur est poussé à devenir critique. À part à la fin de mon film, on ne voit jamais les personnages sortir du cadre. Les personnages étant des avatars de nous-mêmes, nous ne pouvons pas non plus en sortir et nous libérer. Nous sommes des sujets à l’intérieur du film. Par rapport aux costumes beiges, j’aime les voir comme des éléments qui obstruent le cadre. L’espace où évoluent mes personnages est un monde monotone, neutre et sans couleurs."
Robert Bresson est très important pour Rick Alverson. L’argent a exercé une grande influence sur son travail et particulièrement sur ce film. "Je suis sensible à sa volonté de perturber les perceptions du spectateur, de déconnecter le film de la littérature et du cinéma qu’il appelait théâtre filmé, au profit du cinématographe. Sa volonté de rompre avec un modèle commercial constitue aussi un exemple pour moi."
Rick Alverson s'entoure habituellement d’acteurs non professionnels. Cette fois, il a décidé de tourner avec des acteurs confirmés. "J’ai voulu me frotter au cadre du cinéma commercial. Je veux pouvoir marcher dans cette arène, jouer dans cet espace. Actuellement, cela m’intéresse plus que la reproduction fidèle du réel. J’aime plus l’illusion de la réalité que la réalité elle-même. Les « modèles » de Bresson et sa volonté de reproduire l’énergie inhérente aux comportements humains étaient vraiment téméraire et incroyablement intéressant. Mais il n’y est pas parvenu tout à fait. Il a inventé ce travail sur les voix à la place."
Selon Rick Alverson, Jeff Goldblum est incroyablement curieux, charismatique et généreux. "J’ai jusqu’à présent choisi mes acteurs, en fonction de ce que je pouvais exploiter chez eux, comme la manière de parler par exemple. J’ai utilisé ici le charisme de Jeff. Je ne voulais pas avoir à le fabriquer chez le personnage. Je voulais que le public ait accès à lui facilement. J’ai donc injecté beaucoup de sa personnalité, tout en évacuant sa nature sociable pour qu’il se transforme quand même. Nous nous sommes penchés tous les deux sur la biographie de Walter Freeman. Et particulièrement sur ce moment où il est tombé en disgrâce quand les anxiolytiques sont arrivés sur le marché. Jeff a lu des écrits de Freeman, ainsi qu’une biographie qui n’avait pas été publiée mais à laquelle nous avons eu accès. Il s’est aussi documenté sur la neuro-chirurgie et les opérations de lobotomie."
Pour Rick Alverson, Tye Sheridan (Ready Player One) est connu pour sa sensibilité, son émotion et l’empathie qu’il suscite chez le spectateur. Le comédien jouait dans le film précédent du cinéaste, Entertainment. "Il a eu 18 ans pendant le tournage et 21 ans sur celui-ci donc on peut dire qu’on a franchi des étapes importantes ensemble ! Andy veut utiliser Wallace Fiennes (Jeff Goldblum) pour retrouver sa mère qui est la figure absente et idéalisée dans le film et dans ce monde masculin grotesque. Udo Kier, qui joue son père, m’a été présenté par un ami réalisateur canadien. La scène de ses funérailles sur la glace s’ajuste complètement à sa folie !"
Selon Rick Alverson, Denis Lavant, qui interprète Jack, est précisément connu pour ses performances physiques. "De toute évidence, c’est une force de la nature. C’est aussi l’un des plus grands « performers » avec lequel j’ai travaillé. Ses monologues étaient plus longs encore dans le scénario d’origine. Nous les avons partiellement coupés. Denis est tellement dans l’intensité du moment qu’on a l’impression que ses dialogues, qui comportaient des parties en français et en anglais, sont improvisés."