Mon Chien stupide adapte de façon fidèle le roman de John Fante, auquel il emprunte sa mélancolie et son cynisme non dénué de comique. Mais au-delà d’une simple adaptation, en elle-même réussie, Yvan Attal apporte sa propre expérience de la vie de famille et de l’écriture, si bien que le long métrage est porté par une sincérité à fleur de peau qui dit quelque chose des névroses contemporaines, de la solitude de l’écrivain et de son incapacité à se coucher par écrit, sinon par un dédoublement fictionnel, ici un chien obsédé et qui sent le pipi. Le film est presque un huis clos : l’espace de la maison (ou villa) apparaît aussi bien comme un cadre propice à la retraite et à la création qu’à la cellule d’une prison dont les murs seraient composés de photographies et de miroirs, les unes relatant le passé qui n’est plus, les autres ce qui en reste, vieilli et usé. Mon Chien stupide met en scène l’impuissance, mieux l’adopte en dynamique profonde : tout avance au ralenti, porté par une musique aux accents de jazz, tout fout l’camp sans que le visage d’Henri Mohen n’atteste un changement, une surprise, une émotion. Et ce n’est que par l’écriture que l’homme se saisit enfin, qu’il s’accouche une nouvelle fois, qu’il se raccorde au monde des vivants et à la sensibilité. Si le long métrage paraît souvent méchant, c’est en raison de sa sincérité, à laquelle nous spectateurs ne sommes pas habitués : les personnages ne jouent pas ou plus, ils n’arrivent plus à jouer le jeu de la comédie sociale, si bien que cette dernière tourne au jeu de massacre. Henri pousse l’ironie dans ses retranchements, ne cache pas son mépris ni son insatisfaction envers autrui ; le roman le permettra d’appliquer cette lucidité sur lui-même, comme dans une glace faite de mots. Il fallait certainement, pour adapter si bien l’œuvre de Fante, un réalisateur qui soit capable d’engouffrer sa propre histoire dans le récit de fiction. C’est chose faite avec Yvan Attal et son long métrage à la fois drôle et émouvant, entièrement réussi.