Aouch... C'est compliqué.
Ça fait un bout de temps que je voulais voir Requiem for a Dream, et au visionnage je me suis surtout retrouvé perplexe la plupart du temps.
Je tenais à ce que ce soit ce film en particulier qui m'introduise à l'univers de Darren Aronofsky car c'est son plus fameux, et aussi car j'en ai entendu des retours dithyrambiques de la part de quelques connaissances, mais de loin je voyais ça comme un film un peu vulgaire dans sa mise en forme.
Et j'ai eu un peu de ça. Même beaucoup. C'est même ce qui m'a le plus dérangé pendant le visionnage.
Je savais Daronofsky très tape-à-l'œil, il pourrait presque être considéré comme le Baz Luhrmann du mal, mais parfois il en fait trop.
Je ne nie pas l'inventivité derrière le processus. Mais l'utilisation outrancière de la musique, excepté le thème principal, les séquences en accéléré, les grands angles pour filmer les visages de très près, à un moment ça dégueule.
Alors ce n'est pas incohérent avec le propos cela dit, déformer les perspectives pour symboliser le monde changer autour de nous à la prise des substances, représenter cette spirale infernale et cette descente aux enfers, mais avec moi ça ne fonctionne pas.
Peut-être car si tout est déformé, plus rien ne l'est, et le dosage est assez mal géré du fait que c'est constant donc blasant sur la longue.
Et ce n'est pas non plus aidé par une imagerie assez laide.
C'est lisse, la photographie est fade, quelques idées visuelles siègent mais ça reste très plat voire rebutant sur certains aspects.
C'est dommage car avec une esthétique plus soignée les élans art et essai du film auraient carrément fonctionnés.
Car si on doit bien reconnaître une chose au film, c'est qu'il sait sacrément bien jouer de l'abstrait.
Un frigidaire qui bouge tout seul, une hallucination balnéaire de Harry, un bras mutilé, plusieurs scènes de tuerie, un délire spatial pour représenter le désir de Sara, il y a là une imagerie très marquante.
Et si j'ai eu du mal à rentrer dedans, le dernier acte relève du génie.
La descente aux enfers des 4 protagonistes est résolue dans la déprime la plus totale, ne laissant aucun espoir. Voir Ty se rouler en position fetal en prison en repensant à sa mère, c'est terrible. Voir Harry amputé d'un bras à l'hôpital, c'est terrible. Voir Marion allongée sur son canapé tenir une liasse de billets amassée avec son nouveau métier de prostituée, c'est terrible. Et surtout, voir Sara épuisée dans un état pitoyable dans un asile psychiatrique et ses 2 amies fondre en larmes, c'est terrible.
Ce jeu d'orchestration peine à décoller, mais au-delà de juste dire que la drogue c'est mal m'voyez, le film nous laisse contempler ce gouffre sans fond dans lequel nos personnages tombent.
La dernière hallucination de Harry en est une belle métaphore, reculant et tombant dans les abysses comme il est tombé dans la spirale infernale de la drogue.
Cette vision de la drogue dépasse le simple commentaire préventif vu et revu, elle passe avant tout par un propos pertinent et mis en forme de manière à marquer le spectateur. Et au lendemain du visionnage, à l'heure où j'écris ces lignes, la profonde tristesse de ce film n'a de cesse de me hanter.
Donc oui je trouve ça parfois gratuit et outrancier, souvent laid et usant d'effets de style pas souvent obligatoires, mais le tout est cohérent avec soi-même car c'est au service d'un propos abouti. Ce film a l'effet d'un coup de poing qui puise dans notre être pour l'affaiblir et lui faire observer les abîmes de l'existence.
La scène finale témoigne d'un fantasme, d'un rêve que nos protagonistes ont tentés d'atteindre, car ils sont humains avant tout, mais que la recherche de la grâce a détruit ce rêve.
La recherche de l'abstrait pour représenter au plus réaliste ce qu'est un bad trip fonctionne et fait de Requiem for a Dream l'un des films les plus marquants qui soient, inventif et cohérent, malgré les défauts cités au-dessus qui auraient pu en faire un chef-d'œuvre total.