L’Hexagone peut compter sur le duo Eric Toledano et Olivier Nakache pour frapper là où de nombreuses comédies populaires françaises de cette dernière décennie peinent à y parvenir, l’émotion. Il faut leur reconnaître une certaine qualité narrative, multipliant les rôles et les enjeux, mais en poursuivant un thème commun, car l’objectif de la manœuvre reste tout de même d’unir le public derrière leur dernière vision en date. Et c’est bien du côté de l’immersion qu’ils arrivent à nous convaincre. En s’appuyant sur leur vécu et leur vocation, ils rendent un certain regard authentique, ne laissant pas de glace, même le plus sceptique d’entre nous. Après la colonie de vacances et quelques métaphores sociales, en passant par la dualité complémentaire à une brigade du bonheur, les réalisateurs nous invitent aujourd’hui dans le quotidien de deux associations qui luttent en faveur de l’autisme et de la réinsertion des patients, que ce soit dans le cadre familial ou professionnel.
Le sujet est déjà fort, dans une époque où les yeux sont égoïstes et ne visent qu’une satisfaction personnelle. Il ne s’agit pourtant pas de dénoncer ce comportement frauduleux, mais plutôt de réveiller ces pupilles, afin d’admettre que nous sommes tous des êtres humains, avec nos faiblesses, nos qualités et nos valeurs. Pas besoin d’expliquer davantage le trouve auquel nous sommes confrontés. Les quelques exemples illustrés seront néanmoins suffisants pour comprendre l’ampleur des efforts à fournir, de la part des encadrants d’associations motivées et de leurs patients, qui finissent par entrer dans leur intimité. Et c’est en mêlant humour et chronique de la société qu’on exploite en profondeur les thèmes du partage et du sacrifice. La note est louable, la note est juste. Difficile de voir l’opposé, lorsque ce qui se tient devant nous est déjà bouleversant.
Nous aurions également envie de parler des rôles du prodigieux Vincent Cassel et de l’irrésistible Reda Kateb, respectivement à la tête du Silence des Justes et du Relais Ile-de-France, mais ce serait un tort aux autres personnages, également protagonistes dans l’histoire. Tout le monde est concerné, c’est ce qui fait la force des récits des réalisateurs. Ils l’ont magnifiquement réédité dans « Le Sens de la Fête », mais ici, ce serait pour un ton un peu moins théâtral. Évidemment, que le cinéma n’atteindra jamais la sensibilité de ceux qui côtoie ces patients à longueur de journée, mais il s’agit d’illustrer un combat personnel pour ceux qui ont l’esprit suffisamment vif pour s’abandonner à une tâche qui n’a pas d’équivalent. Le film passe rapidement ce cap, pour que le spectateur reste à sa place et pour qu’il puisse changer de regard à l’arrivée, en tendant la main à son prochain, qu’il soit autiste ou simplement dans le besoin.
N'en déplaisent à ceux qui estiment que les enfants et adolescents, que l’on rencontre à travers l’intrigue, ne sont pas considérés comme des sujets de droit. Le titre de l’œuvre évoque justement sa singularité à travers plusieurs niveaux de lecture. « Hors Normes » constitue à la fois une démarche excessive et personnelle, ne laissant pas de place pour entrer dans les cases d’une réglementation parfaite. Il s’agit de sortir ces patients des fichiers codés, des listes qui n’ont pas de visage ou d’âme. On cherche de la sensibilité et on la trouve dans ce débat qui n’a certes pas de sens au niveau administratifs, car c’est au niveau humain que l’engagement se crée. La fable des responsabilités incite ainsi les jeunes comme les expérimentés, à adopter les patients et un genre de regard qui change des vies.