De 2000 à 2002 Olivier Meyrou a été autorisé par Pierre Bergé à filmer les coulisses de la maison Yves Saint-Laurent : les essayages avec Laetitia Casta, la remise d'un prix à new York, les préparations des grands défilés...
Il filme la fin d'un monde : celui d'une grande maison de couture dirigée par ses fondateurs - trente ans après la mort de Balenciaga et de Coco Chanel.
Il montre aussi deux hommes unis par une vie de travail : Yves Saint Laurent, qui allait mourir en 2008, et Pierre Bergé.
Quel titre déconcertant ! Qu'a entendu "célébrer" Olivier Meyrou ? "La Fin d'un monde" aurait sans doute mieux convenu à ce documentaire crépusculaire dont on comprendra sans peine qu'il ait tant déplu à Pierre Bergé au point qu'il se soit longtemps opposé à sa distribution.
La mode fascine. On ne compte plus les documentaires ou les fictions qui ont été consacrées à Yves Saint Laurent : les films de Lalil Lespert (avec Pierre Niney) et de Laurent Bonello (avec Gaspard Ulliel), le documentaire "L'Amour fou" de Pierre Thoretton. Les autres créateurs ne sont pas laissés pour compte : Chanel ("Coco Chanel"), Dior ("Dior et moi"), Lagerfeld ("Lagerfeld Confidentiel"), en attendant le documentaire consacré à Alexander McQueen attendu sur nos écrans en mars 2019.
La caméra d'Olivier Meyrou est volontiers cruelle qui, sans se glisser dans l'intimité d'Yves Saint Laurent ou de Pierre Bergé, réussit néanmoins à en capter quelques instants de vérité. Qu'y montre-t-elle ?
D'un côté Yves Saint Laurent, la bouche dévorée de tics nerveux, la clope au bec. Il est au crépuscule de sa vie. Sa démarche est de plus en plus hésitante. La silhouette, si maigre, s'est alourdie avec l'âge. Sa timidité maladive le paralyse. Ses créations ne lui apportent aucune joie, aucune sérénité, contrairement à ce qu'il affirme dans une interview qui ne convainc personne.
De l'autre, Pierre Bergé, nerveux, sec, cassant, a l’œil à tout. Le couple est symbiotique : Saint-Laurent sans Bergé n'aurait rien vendu, Bergé sans Saint Laurent n'aurait rien créé. Mais on ne trouve entre les deux hommes aucun signe de complicité ni de tendresse. Au point que la relation tourne parfois sous nos yeux au vampirisme : comme si Pierre Bergé, telle la mante religieuse, se nourrissait, de toute la sève créatrice de son conjoint, jusqu'à l'en vider et poursuivre son chemin, seul et veuf, comme la dernière image du documentaire le montre.