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Olivier Barlet
295 abonnés
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4,0
Publiée le 20 février 2019
Etre présent au monde passe d'abord par une présence à soi. Après avoir documenté de très intime façon sa propre mère dans sa sempiternelle attente au Sénégal d'un mari qui ne reviendra pas dans "Les Larmes de l'émigration", puis le mépris des hommes pour les femmes, dont sa mère, qui au village cherchent à se prendre en mains dans "La Vie n'est pas immobile", Alassane Diago retrouve son père qui a reconstruit sa vie au Gabon et y a fait dix enfants... Si la famille est essentielle, c'est qu'il s'y joue la ré-articulation du rapport à soi-même. Sans doute fallait-il ainsi trois films à Alassane Diago pour pouvoir à l'avenir prendre du large. Fort de cette exploration de soi, le monde s'ouvre à lui. Quant à nous, nous profitons de ce partage pour interroger et sublimer notre propre vécu.
Avec le documentaire Rencontrer mon père (2019), le réalisateur sénégalais Alassane Diago dresse un portrait autobiographique de son père qui a émigré au Gabon (pour faire vivre sa famille). Sauf que ce dernier a littéralement abandonné sa famille, il a quitté le pays sans donner de nouvelle et encore moins pour subvenir aux besoins de sa famille pendant près de 20ans.
Après un précédent documentaire (Les Larmes de l'émigration - 2010) où il abordait déjà le sujet de son père, cette fois-ci, il y consacre tout un film et pour tenter de comprendre les raisons de son abandon, il décide d’aller à sa rencontre et de sa nouvelle famille.
Sur place, il y découvre, non pas le père qu’il a rêvé pendant toutes ces années d’absence, mais un tout autre homme. Un père de famille détaché et tellement réservé, voulant conserver sa fierté pour au final, arriver à baisser la garde, fendre son armure et s’avouer contrit face à son fils qui ne lâche pas le morceau. Ce dernier souhaitant à tout prix savoir qu’est devenu ce père qu’il a attendu pendant tant d’années.
Des pères qui émigrent pour subvenir aux besoins de leurs familles, l’absence d’un père pendant de longs mois, voir des années n’est pas chose rare en Afrique. Alassane Diago s’est voulu être le porte-voix de ces nombreuses familles délaissées, victime d’une émigration qui détruit les liens familiaux.
Un documentaire qui nous plonge au cœur même d’une relation père/fils inexistante et où au final, la rencontre avec lui aura apporté plus de questions qu’il n’aura apporté de réponses.
La mise en scène sobre filmant le quotidien de ce père et de cette famille gabonaise nous laisse le temps de réfléchir et de profiter pleinement des échanges entre père et fils. Touchant et tellement intime, du cinéma vérité, dénué de tout pathos au cœur d’une quête, celle de la vérité.
Une histoire universelle. Un chef-d’œuvre. Merci pour ce beau film qui brille par sa simplicité et complexité. Moi, ça me touche parce que c’est précisément ce que j’aime dans le cinéma