VAURIEN est un film puissant, prenant et surprenant. On y entre comme dans une chronique sociale, puis on y reste comme dans un film à suspens et on en sort ému, enchanté et bluffé. Premier film à petit budget tourné en moins de 15 jours de Mehdi Senoussi, Vaurien étonne par la maitrise de son scénario auquel on ne s'attend pas du tout et par sa galerie de portraits tous plus attachants les uns que les autres. Il oscille entre la pièce de théâtre filmée, le huis-clos, le polar d'action, le film politique, social, et, au final, trouve son style, son format original, s'appuyant sur une idée simple : pas de victimisation. A priori, en lisant seulement le synopsis (ce que font la plupart des critiques sans voir le film) on se dit qu'il s'agit là d'une énième approche d'un sujet sociétal dont chacun s'autorise à être un témoin, un commentateur, un acteur, averti et compétent. Oui, le problème du chômage, des discriminations raciales... Ah, le problème du pétage de plombs, des relations inter-ethniques (beurk quelle horreur cette expression !)... Mais là où Mehdi Senoussi est beaucoup plus intelligent et subtil c'est qu'il envoie balader tous les clichés, tous les apriori, tous les codes et construit un film noir dans lequel la bienpensance en prend un coup. Non, le monde n'est pas tout blanc ou tout noir. LA vie est bien plus intéressante que ce que la morale voudrait qu'elle soit. VAURIEN flirte avec Moi, Daniel Blake de Ken Loach, Usual Suspects, mais aussi avec une vague de nouveau polars français comme "Petit Paysan", "Jusqu'à la garde". Films à suspens sur fond social qui marquent par leur puissance et l'originalité de leur scénario. J'ai eu l'occasion de visionner VAURIEN en avant-première en présence du réalisateur Mehdi Senoussi qui a pu expliquer comment, par exemple, il a été censuré par l’État qui lui a interdit d'utiliser le nom de "Pôle Emploi" et toute référence directe à cette agence officielle. Si vous faites bien attention vous remarquerez que c'est le terme 'agence pour l'emploi' qui est utilisé et qu'on ne voit jamais les logos de Pôle Emploi dans le film... Hé oui ! On n'a pas le droit en France de dire du mal d'une institution ! VAURIEN est émouvant également. Senoussi, comédien, m'a profondément ému dans le rôle de ce père prêt à tout. Mais jamais victime. Mehdi Senoussi ne se victimise pas en tant que réalisateur-comédien, alors que son film est une métaphore aussi sur les difficultés qu'il a pu rencontrer et que nombre de ses confrères-consoeurs peuvent rencontrer pour monter un film aujourd'hui. Comme son personnage Red recontre des difficultés malgré son bac 5 à trouver un emploi décent. Non, il ne se vicitmise pas, il se bat et surtout il travaille et s'amuse aussi. Il fait du cinéma.Il connait parfaitement son sujet : le cinéma. Il n'est pas un journaliste et non plus un militant social. Il fait du film. Et il embarque ses spectateurs dans un film à rebondissement dont personne ne peut dire qu'il avait senti venir le dénouement...