C’est un superbe film que nous offre Céline Sciamma avec Portrait de la jeune fille en feu…un film de femmes, réalisé par une femme, joué par des femmes, une directrice de la photo femme… les hommes n’y ayant qu’un rôle de figuration, qui a obtenu le Prix du Scénario au dernier Festival de Cannes…De Céline Sciamma, je n’avait vu que Bande de Filles, en 2014, que j’avais modérément apprécié…par contre j’avais adoré Bird People, la même année, dont elle avait cosigné le scénario...Le Portrait de la jeune fille en feu a été tourné en partie sur la Côte Sauvage de la Presqu’ile de Quiberon, certaines scènes à Brec’h , à l’écomusée de Saint Degan…Les scènes d’intérieur ont été tournées dans un de ces nombreux manoirs bretons à l’architecture sévère, celui-ci n’ayant été ni habité ni restauré depuis des années, a gardé, boiseries, couleurs et parquets figés dans le temps et contribue largement à l’atmosphère du film…On est en 1770 mais loin des ors de Versailles. On le comprend très vite en voyant Marianne (Noémie Merlant) rejoignant un bout de côte bretonne, de l’eau jusqu’à la taille, majestueuse et froide, engoncée dans une robe dont on imagine le poids du tissu trempé. C’est une jeune peintre qui rejoint, sur une île, Héloïse (Adèle Haenel), fille d’une comtesse, d’origine italienne (Valeria Golino), guère plus âgée qu’elle, tout juste sortie du couvent pour reprendre le destin de sa sœur ainée, qui s’est suicidée. Comme il est d’usage à l’époque, Marianne doit réaliser son portrait afin de révéler sa beauté auprès d’un illustre inconnu, potentiel prétendant et vivant en Italie... Comme Héloise a déjà renvoyé un précédent peintre, Marianne devra se faire passer pour une dame de compagnie. Patiente et délicate, la réalisatrice scrute l’évolution de la relation entre ces deux héroïnes. Il faut accepter une forme de lenteur contemplative, rythmée à la vitesse d’un monde qui s’éclaire à la bougie, dénuée de musique, où chaque geste, chaque réplique, chaque regard est filmé avec minutie …Il y a beaucoup d’émotion et de sensibilité à voir évoluer la relation de Marianne et d’Héloïse, le passage de la froideur à la complicité puis la naissance d’un sentiment amoureux…C’est un film à la mise en scène éblouissante portée par des actrices en état de grâce, Noémie Merlant , troublante et troublée face à la beauté incandescente d’une Adèle Haenel qui s’impose, de film en film, comme une actrice de référence du cinéma français… L'alchimie irrésistible entre ces deux comédiennes captive de bout en bout … N’oublions pas Sophie (Luàna Bajrami), jeune servante au service des deux autres mais considérée comme une égale…et qui n’a rien à leur envier en qualité d’interprétation… Et, si, comme le propose LCI, c’était le plus beau film français de l’année ??? Je ne suis pas loin de le penser….