Catherine Deneuve est de retour dans le Sud-Ouest. Cette fois-ci sans André Téchiné. Pour son premier film sous la direction de Cédric Kahn, elle incarne Andrea, une grand-mère émue à l’idée de réunir ses deux fils et ses petits-enfants dans sa belle propriété du Lot-et-Garonne à l’occasion de son 70eme anniversaire. La fête va être immanquablement perturbée par le retour inattendu de Claire, sa fille ainée issue d’un premier amour, partie vivre trois ans auparavant en Californie après avoir abandonné les siens inconsciemment.
De Cédric Kahn on se souvient surtout de « Roberto Succo », sorti en 2001, qui retraçait magnifiquement l’épopée tragique, dans la France des années 1980, d’un psychopathe italien au regard bleu acier. « Fête de famille » aborde un registre complètement différent. A l’instar de ce qu’avaient fait Thomas Vinterberg dans « Festen », Olivier Assayas dans « L’heure d’été » ou plus récemment Xavier Dolan à travers « Juste la fin du monde », Cédric Kahn y brosse intelligemment le portrait de cette famille dont les retrouvailles pour cette occasion particulière vont s’avérer orageuses. Il nous fait pénétrer peu à peu dans son intimité au point de nous la rendre attachante : de Romain, le benjamin, artiste raté, instable et insouciant à son frère Vincent, qui est tout son contraire, entrepreneur cartésien et monotone, jalousé pour sa réussite professionnelle, en passant par Claire, l’aînée, incontrôlable et paranoïaque et sa fille Emma, froide et revancharde vis-à-vis de sa mère, tendre et chaleureuse envers sa grand-mère. La réunion de ces personnages que tout oppose malgré leurs liens de sang crée les conditions idéales d’une tornade familiale qu’Andrea, tantôt d’un calme olympien, tantôt impulsive, essaie d’apaiser à sa manière.
Unité de temps (une seule journée), unité de lieu (la maison familiale pour l’essentiel et quelques scènes tournées aux alentours), mais pas d’unité de ton : le film alterne les scènes humoristiques, les moments d’intensité dramatique et les instants de tendresse. Les scènes mettant en avant les petits enfants apportent, quant à elles, un calme et une sérénité bienvenus au milieu de cette tempête familiale. Malgré quelques scènes stéréotypées (quand Romain consomme de la vodka et du cannabis au volant de la voiture de son frère, on se doute qu’il va créer un accident, quand Claire au moment du diner demande pardon à sa fille Emma de l’avoir abandonnée, on sait d’avance que celle-ci se montrera cruelle), Cédric Kahn rend cette fête d’anniversaire très réaliste. Il n’utilise aucun effet secondaire (ni voix off ni flash-backs) et construit son film uniquement sur les dialogues à tel point que le spectateur se sent progressivement devenir un membre supplémentaire de cette famille, à laquelle il souhaite de pouvoir terminer cette fête de façon harmonieuse. La pièce montée concoctée par surprise à la fin du diner par ses petits-enfants à leur grand-mère nous permet d’espérer cette harmonie finale, elle est malheureusement ternie par une dernière scène de flash-back qui contraste avec le reste du film et n’apporte rien.
Le réalisme qui caractérise le film repose également sur la qualité de l’interprétation des différents acteurs, mention spéciale à Emmanuelle Bercot qui campe admirablement le personnage complexe de Claire, femme que le manque de repères, d’affection, d’écoute et de ressources rendent peu à peu folle. Cédric Kahn et Vincent Macaigne sont très à l’aise dans leurs rôles de frères aux caractère et trajectoire si différents. Quant à Catherine Deneuve qui a souvent eu des rôles d’empêcheuses de tourner en rond (« La sirène du Mississipi », « Le Sauvage », « L’Africain »…) tout au long de sa riche carrière, c’est désormais à son tour de devenir la victime d’une trouble-fête. La roue tourne avec le temps.