Une comédie française sur un agriculteur bio en faillite qui fait des vidéos avec ses poules, pour un premier film, la jeune réalisatrice Mélanie Auffret s’attaque à un sujet complètement inédit, c’est certain. Pour un premier film, c’est indéniablement prometteur. Même si « Roxane » n’est pas exempt de petits défauts, comme une trame scénaristique sans grande originalité, quelques gags un peu appuyés, un scénario
et un happy end t
rès « politiquement corrects » et biocompatibles, son film se laisse suivre avec beaucoup de plaisir. Assez court, moins de 90 minutes, il va à l’essentiel et ne se perd pas en route dans des considérations inutiles. Mélanie Auffret tente même des choses, réussit à faire jouer ensemble des centaines de poules (coup de chapeau au dresseur de poules, au passage, parce que ça ne doit pas être évident, les poules étant les animaux les plus stupides de la création !), à mettre en musique son film, à joliment filer la campagne bretonne aussi. Sans être esthétiquement à couper le souffle, « Roxane » est maîtrisé techniquement, du travail propre, sans effet de manche mais sans bavure. Guillaume de Tonquédec n’est pas le seul comédien à tirer son épingle du jeu, même si, en tant que rôle titre, il lui incombe à lui en premier de faire passer les émotions. Il n’est pas ridicule en agriculteur, Guillaume, il est même touchant quand il évoque à demi-mot son enfance un peu sacrifiée, son amour de la littérature, et son attachement à sa volaille. Léa Drucker, à ses côtés, est comme d’habitude pile comme il le faut. Elle joue juste, sans jamais en faire trop, toujours dans le ton. Ce n’est pas compliqué, si on ne n’imagine pas Guillaume de Tonquédec en agriculteur d’emblée, elle on a l’impression qu’elle a été épouse d’agriculteur toute sa vie ! Cette actrice est crédible d’emblée dans tout ce qu’elle joue, sans jamais forcer, je ne l’ai encore jamais vu en difficulté dans aucun rôle. Les seconds rôles ne sont pas oubliés, et c’est Lionel Abelanski et Kate Duchene qui ont les compositions les plus intéressantes. Le premier en beau-frère célibataire endurci, dépressif et un peu limité (la scène où il propose un porno filmé avec ses poules et un coq est brève mais très drôle), la seconde en anglaise propriétaire d’un gîte, femme de lettre, elle va guider Raymond vers la célébrité Internet. Mais il ne faut pas oublier Roxane, la poule blanche qui ne quitte pas Raymond, la seule à ne pas participer à la rotation des poules (un truc qui va déplaire aux antispécistes, à coup sûr !). Roxanne, parfaitement dressée elle aussi, fait passer des émotions. Tout du moins, Mélanie Auffret, avec sa caméra, parvient à créer l’illusion qu’elle fait passer des émotions, ce qui n’est certes pas la même chose. Ceci dit Roxane à un rôle à part entière et elle se doit d’être nommée au casting, surtout que c’est elle qui donne la réplique à Raymond dans ses vidéos, et c’est elle qui donne son nom au titre du film. Elle joue son propre rôle et par conséquent, elle est hyper crédible en poule ! Le scénario de « Roxane » ne se limite pas à faire rire avec des vidéos Youtube, il aborde aussi plein d’autres sujets : la crise paysanne, la difficulté de faire du bio quand on n’est pas une gigantesque exploitation, la solitude affective et financière des agriculteurs, le suicide aussi. Même si le film semble faire s’affronter le monde paysan (via Raymond) et les bobos venus envahir la campagne (Via Wendy), il ne faut pas être dupe. Le scénario de « Roxane » est un scénario formaté pour plaire aux écolos de la ville, ceux qui veulent manger bio, qui aime le « sourcer » leur alimentation, pas sûr que ce film parlent vraiment à tous les éleveurs, tous les agriculteurs, tous les petits ou moins petits exploitants. Ici, il y a beaucoup de bons sentiments, le cynisme étant surtout supporté par les méchants : la grande distribution, la coopérative. Il y a dans « Roxane » un côté un peu binaire qui aurait pu être plus nuancé. Par exemple, le directeur local du Crédit Agricole est, ô surprise, un jeune loup ancré dans la réalité du monde bancaire et sans grand affect, à deux doigts de la caricature. « Roxane », c’est quand même le monde paysan vu de la ville, avec quelques clichés au passage. Mais même si le film de Mélanie Auffret manque de nuance, même si au fond, on n’y croit qu’à moitié, même si techniquement il a les petits défauts habituels des premiers films, il n’empêche que c’est un moment de cinéma charmant et agréable. Une vraie fraicheur se dégage de ce film, et personnellement je ne peux qu’être sensible à un personnage qui aime tellement la littérature, le théâtre et les mots. Allez…. En avant Guingamp !