C'est rare de voir un film d'1H30 si riche, qui déborde autant, d'idées, de répliques extraordinaires ; mais c'est ce qui transpire dans Buffet froid, le sentiment du film faussement petit. Typiquement le genre dont plusieurs visionnages sont nécessaires, rien que pour retenir les dialogues. Un film d'écriture complètement servi par sa mise en scène, qui ne se soustrait pas, mais s'adapte au ton du film, qui ne laisse pas vivre les acteurs mais qui leur donne le rythme ; qui sait choisir ses cadres de manière très précise, et un montage qui ne sur-découpe pas ceux-ci, car ils racontent déjà tout ce qu'il y a à raconter. Cela peut paraître contradictoire avec l'écriture qui reprend beaucoup de codes du théâtre (même si les décors varient beaucoup) : le fait d'insister sur certains éléments (couteau, flingue, etc), et même les dialogues au sens général, que des lignes faites pour être lues à vive voix. Cette fusion totale s'accorde bien avec l'aspect décousue de l'histoire, bien que le film soit exemplaire à ce niveau là. Il est une leçon de cinéma absurde, dont l'histoire est certes, très éparpillée, très versatile, mais qui amène des situations qui se répondent entre, qui dialoguent aussi bien que les personnages entre eux, mais de manière inversée ; les relations entre les personnages sont incohérentes (bien que cohérentes dans leurs incohérences, les incohérences initiales sont prises en compte et développent l'évolution des relations), mais les scènes non, chacune est amenée logiquement (dans la logique du film, évidemment) à se produire, et la fin est particulièrement belle sur ce plan. Le film ne parle que d'enfermement, du danger, de la violence du quotidien ; c'est ce qu'il raconte par l'absurde : de la violence comme norme, de la violence comme acquise et accepté, et du caractère mauvais de l'être humain en général. L'absurde est brillant car il ne va que dans une seule direction, ne sert qu'un but, à en lui bien ancré un propos, et c'est pour cela que Buffet froid n'est pas qu'une farce rigolarde. Depardieu qui n'a que faire du meurtre de sa femme, du meurtre d'un homme (puis d'un autre, puis d'un autre), l'assassin qui a peur des assassins (peur du même, de l'autre bien que similaire, l'homophobie au sens littéral du terme), le policier qui tue, pour qui la mort est devenue insignifiante ; le film est extrêmement appréciable avec un regard premier degré, car il très bon, mais mis à plat, il dégage quelque chose d'encore plus fort. Un excellent film ce n'est pas celui vous fait vous gratter la tête durant le visionnage, mais celui qui devient un peu plus passionnant à chaque fois qu'on en gratte la surface.