Après avoir introduit sa caméra au Louvre (1990), dans une école de campagne (« Être et avoir » en 2002) ou encore à la Maison de la Radio (2013), c’est au centre de formation de la Croix-Saint-Simon que Nicolas Philibert a pu s’introduire afin de filmer la formation des infirmières et infirmiers pendant plusieurs mois. Et, à nouveau, comme pour chacun de ses films précédents, le résultat est remarquable. Le cinéaste réussit à merveille à capter les émotions, à détecter les hésitations, les peurs, les réconforts et les courages. Tout ce qui fait l’humain, tout ce qui se perçoit quand on prend le temps d’observer les visages, les attitudes et les gestes, tout ce qui se devine dans chacune des paroles qui sont prononcées.
Le film se divise en trois parties, chacune étant introduite par un vers du poète Yves Bonnefoy. La première se déroule au sein de l’école et s’attache à suivre l’apprentissage des techniques et des gestes que doivent savoir accomplir les infirmiers. Il s’agit d’apprendre des règles de base (prendre soin de tous les malades sans aucune distinction, quelle qu’elle soit, par exemple) et d’acquérir la maîtrise de certains gestes et de certaines techniques : piqûres, manipulation, pansements, etc. Les élèves s’exercent soit sur des mannequins soit sur des volontaires en chair et en os, ce qui, parfois, donne lieu à des scènes presque burlesques.
Puis vient le passage obligé par un stage. C’est l’objet de la deuxième partie du film, tournée dans les différents services où sont intégrés les élèves. Cette partie-là non plus ne manque pas d’humour, tout en dévoilant également les détresses et les inquiétudes non seulement des élèves-infirmiers mais surtout des malades que, néanmoins, Nicolas Philibert filme toujours avec respect.
Enfin, une troisième partie se déroule entièrement entre les murs des salles où chacun des élèves, de retour de stage, est soumis à une évaluation. C’est la plus dépouillée d’un point de vue cinématographique mais c’est aussi celle qui génère le plus d’émotions. Car, pour plus d’un des élèves-infirmiers, la période de stage a été particulièrement généreuse sur ce plan-là. Être confronté à des malades en fin de vie dont certains décèdent sous les yeux du stagiaire, se retrouver au sein d’une équipe hospitalière très directive ou même se faire dérober son ordinateur à l’hôpital, rien de tout cela n’est facile à supporter. Et il est nécessaire que l’élève-infirmier puisse décrire ses difficultés afin d’être rassuré et guidé par le conseiller ou la conseillère chargé(e) de l’écoute et de l’évaluation.
En fin de compte, ce qu’il faut retenir par-dessus tout, me semble-t-il, de cet excellent documentaire, c’est la place primordiale accordée aux relations humaines pendant la formation du futur infirmier ou de la future infirmière. Certes, il lui faut acquérir des gestes et des techniques sans failles, mais il lui faut surtout savoir se mettre à l’écoute des patients et, si possible, dialoguer avec eux, sans jamais évacuer totalement la force de ses émotions mais tout en étant capable de les contrôler. Il est rassurant de savoir avec quelle intensité l’accent est mis sur ces points-là pendant la formation des élèves-infirmiers.