Pauline à la plage aborde une fois de plus les thèmes de prédilections de Rohmer pour ne pas parler d'obsessions, à savoir les histoires d'amour, les sentiments, les questionnements des personnages au sujet de l'amour. Mais ici, il le fait à travers les yeux d'une jeune fille, Pauline - sublime Amanda Langlet - , 14 ans, dépourvue d'expérience. Et pourtant, sa jeunesse, la fraîcheur de son regard, vont lui donner un recul et une certaine sagesse lorsqu'elle sera confrontée elle-même à des situations amoureuses. Mais ce recul, cette sagesse, sont encore bien plus acérés lorsque son regard se pose sur les divagations des adultes. A savoir sa cousine Marion, interprétée par une sublime Arielle Dombasle. Mais aussi le taciturne est passionné Pierre interprété par Pascal Greggory. Et enfin l'ethnologue (décidément chez Rohmer, on en a beaucoup) et séducteur Henry, interprété par Féodor Atkine (qui ne fait pas que le voix de Dr House !).
L'histoire est simple. Pauline est confiée par ses parents à sa grande cousine Marion, à la fin de l'été. Marion est récemment séparée de son mari. Elle rencontre par hasard Pierre sur la plage, qu'elle n'avait pas vu depuis cinq ans. Ils sont rapidement rejoints par Henry, qui voulait avoir un cour de planche à voile dispensé par Pierre. Evidemment, nous sommes chez Rohmer, et des relations se nouent. Marion ne laisse pas Pierre indifférent tandis que elle, a bien du mal à résister au charme d'Henry.
S'affrontent alors deux conceptions de l'amour. La passion brulante, immédiate, souvent réduite au coup de foudre, en opposition avec l'amour raisonné, qui prend le temps de se développer au travers de la connaissance de l'autre. Rohmer alors, dans des dialogues sublimes, offre une véritable thèse sur ce qu'est l'amour avec des répliques percutantes. Ainsi même si on entend: "Je ne tomberai jamais amoureuse de quelqu’un que je ne connais pas." on sait bien que "L’amour ça ne se commande pas."
Au travers de ces dialogues et de ces histoires, un chose s'éclaire. L'amour, ce n'est pas juste, ce n'est pas rationnel et il faut l'accepter au risque de s'exposer à des souffrances inutiles. Ainsi, rien n'est plus vrai que cette phrase de Pauline s'adressant à Pierre: "Tu es insensé, tu veux dicter leurs sentiments aux gens."
Plus le temps passe, plus on s'aperçoit que Pierre, le simili du mec bien, n'a rien compris. Il part effectivement de bonnes intentions mais sa jalousie et sa fierté lui obscurcissent la vue. "Ce qui me met en colère, c’est de voir les gens s’obstiner à créer leur propre malheur. Je n’aime pas m’imposer. Je veux attendre qu’elle vienne à moi d’elle même." Il est inutile d'attendre, il est inutile de déplorer le comportement des autres. Au contraire, comme le rappelle Aristote dans l'éthique, pour être heureux, il faut agir ! De plus, cette amertume déforme le sentiment initial, ce que comprend bien Pauline en lui répondant: "En somme tu ne l’aimes pas. Tu veux qu’elle t’aime. Ce n’est pas du tout pareil."
Quelqu'un qui a tout compris à l'amour, c'est Henry. Il ne s'attache pas, voyage constamment et ne se laisse jamais submergé. Il synthétise cela de manière cynique en s'adressant à Pauline: "lI faut que tu apprennes à te laisser désirer, sinon tu seras très malheureuse."
Ah, cette notion de désir ! Préalable presque indispensable au sentiment amoureux. Sans ce dernier, il est bien difficile de prospérer des les affres de la romance. Henry est un homme qui se laisse guider par son désir uniquement, et soit il obtient ce qu'il veut, soit il ne l'obtient pas et ne s'en formalise pas.
Pauline à la plage, c'est l'histoire d'une jeune fille qui découvre l'amour (il faut qu'elle voit le loup, même avec beaucoup plus vieux). Mais elle le fait par l'expérience elle-même, mais aussi par l'observation. C'est aussi le récit d'une société des années 1980 tellement plus libérée qu'actuellement. Où la légèreté pouvait exister, le désir se développer et disparaitre tout aussi tôt. Une suavité extrême où lorsqu'un homme se montre trop entreprenant avec une jeune fille, un bon coup de pied dans les burnes suffisait à clore l'incident. Ce n'était pas forcément mieux avant, mais Dieu que c'était sensuel !