J’avais bien compris, avant d’aller voir ce film, que Romane Bohringer et Philippe Rebbot avaient mis en image leur vie, et leur séparation à eux mais je n’avais pas pris la mesure de ce choix. En fait, ils ont fait un film de leur histoire en faisant jouer leurs enfants par leurs enfants, leurs parents par leurs parents, leurs amis par leurs amis, etc… Du coup, on a l’impression, assez dérangeante au premier abord, de glisser le pied dans la porte de leur intimité et de jouer un peu les voyeurs. Personnellement, je n’arrive pas à me défaire de l’impression désagréable qu’il s’agit là d’une démarche terriblement impudique et même un tout petit peu malsaine. Mais bon, peut-être que quand on est comédien, les notions de pudeur et d’impudeur sont différentes… Ils soignent leur film dans la forme, en utilisant le flou (comme dans le très joli titre), les ralentis, en plaçant la chanson de Michel Delpech « Les Divorcés » en générique de début et en générique de fin (chantée par Philippe Rebbot), ils tentent, et réussissent, un film dynamique, souvent drôle, parfois touchant mais au final moins impudique que leur démarche pouvait le laisser supposer. On peut quand même regretter quelques petites choses, quelques scènes trop décalées pour fonctionner, quelques autres un peu bavardes, mais ce n’est pas très grave. Pour réussir cela, Romane et Philippe utilisent beaucoup l’autodérision. Ils ne se ménagent pas, ils ne ménagent pas non plus leur entourage, parents et amis, qui sont montrés sous un jour toujours légèrement excessif, toujours légèrement « too much », pas beaucoup, pour qu’on croit en leur personnage, mais suffisamment pour qu’on ne soit pas totalement dupe. Ce dosage, très difficile à obtenir, est une des vraies qualités du film. Là où Guillaume Canet (avec « Rock’n’roll ») n’avait pas su doser son autodérision (pour finir dans le grotesque), Bohringer et Rebbot y parviennent avec plus de finesse. Et puis, pour contrebalancer le côté impudique de leur démarche, ils créent des seconds rôles improbables, très drôles, bien écrits et qui viennent apporter au film la touche de folie qui convient. Il y a l’instituteur tendance « Manif pour tous » qui émet des jugements péremptoires sur le mode de vie des parents (ils l’écoutent poliment, alors qu’ils devraient lui sauter à la gorge !), il y a l’amateur de chien (Reda Kateb, dans un contre-emploi total) qui prend son chien pour une vraie personne, il y a l’amant d’un soir hypocondriaque, le couple gay
qui propose une GPA à Romane qu’ils connaissent à peine
, le frère de Philippe, gavé de shit et incapable de mener une vie normale à 50 ans passé, etc… Toute cette galerie de personnages, toutes bien incarnées par des comédiens qui semblent beaucoup s’amuser, apporte beaucoup au film sans (trop) le disperser. Au milieu de cela, Romane Bohringer et Philippe Rebbot joue leur vie, difficile de juger leur performance. On trouve quand même qu’ils forment un beau couple, un peu dépareillé, un peu bancal et loufoque mais un beau couple. Le scénario, petit point faible du film, finit par tourner un peu en rond au bout d’un moment. En réalité, le message du film, pour peu qu’il y en ait un, c’est qu’il est difficile de réussir une séparation parfaite, quand bien même on pense avoir trouvé LA solution idéale pour les enfants. C’est qu’à force de se soucier des enfants (qui semblent tirer le meilleur parti de la situation, merci pour eux !), ils en oublient leur vie à eux et la difficulté à la refaire avec son ex juste derrière la cloison. Les petits arrangements se multiplient, la jalousie n’est jamais bien loin, se séparer sans se séparer, c’est comme arracher un pansement millimètre par millimètre, ça fait inutilement mal. C’est une séparation bancale, floue, à l’image sans doute de leur couple, de leur histoire peu conventionnelle. Ils ont 9 ans d’écart, un métier en commun mais des caractères très dissemblables : au début c’est complémentaire, mais ça finit par miner leur couple de l’intérieur, comme un acide qui dissous lentement leur union. Ils se séparent comme ils se sont aimés, c’est un peu bizarre, c’est bien peu conventionnel et c’est difficile ! Le problème du scénario, et au-delà du film en lui-même, c’est qu’il ne porte pas grand-chose en son sein, le temps passe vite, le film est agréable mais au final, on en retire pas grand-chose de concret, il ne reste pas en mémoire, il sera vite oublié. La faute peut-être à un scénario trop léger, qui parfois se perd dans des intrigues secondaires peu passionnantes, qui peut-être privilégie un peu trop l’humour sur les autres émotions. Mais malgré tout, la démarche un peu bizarre de Philippe Rebbot et Romane Bohringer, qui peut paraitre très étrange sur le papier, donne au final un film de cinéma soigné, agréable et qui respire la tendresse, c’est déjà beaucoup.