Il faut bien du talent et beaucoup d'audace pour qu'un cinéaste comme Hirokazu Kore-eda dont on avait loué sans réserve le précédent film, "Une affaire de famille", vienne tourner en France, nanti d'une distribution éclatante, le tout sans parler un mot de français, ce qui peut constituer une difficulté majeure dans la direction des acteurs. Beaucoup de cinéastes étrangers s'y sont essayés avec des résultats inégaux. Cette fois-ci, c'est le tandem Deneuve-Binoche qui est à l'affiche : jugez du peu... Le film met en scène une actrice consacrée mais vieillissante qui, à la faveur de la publication de ses mémoires, voit arriver de New York sa fille scénariste qui a bien des reproches à faire à sa mère égocentriste et narcissique à souhait. Ladite fille répondant au prénom de Lumir est accompagnée de son mari et de leur fille, une petite Charlotte qui va constituer le rayon de lumière de ce film. Les retrouvailles au sein d'une famille, la relation tumultueuse entre la mère et sa fille, le portrait d'une star sur le déclin : voilà des thèmes qui ne brillent pas par leur originalité. Kore-eda filme à la française et développe un sujet que bien des cinéastes français ont abordé depuis pas mal de temps. Certes le maître japonais sait trouver des accents émouvants lorsqu'il filme le jardin de la propriété parisienne : les couleurs vibrent alors dans toutes leurs nuances d'automne, le tout, on l'aura deviné, pourvu d'une valeur symbolique. Autre belle trouvaille, la propriété de Fabienne, la star aux mille et un caprices, se situe juste en face de la prison de la Santé : voilà qui est réjouissant (si l'on peut dire) et là encore sujet à de belles interprétations symboliques. Pour le reste, on s'ennuie souvent à entendre des propos assez vains et, disons-le, prévisibles. Même Catherine Deneuve ne parvient pas à nous émouvoir... En revanche, le jeu de Juliette Binoche nous paraît beaucoup plus personnel et convaincant. En outre, le film comporte au moins deux révélations : celle de Manon Clavel qui interprète une étoile montante et constitue comme un reflet de la star défraîchie retrouvant dans une mise en abyme sa belle jeunesse ; et celle de la petite Clémentine Grenier qui, du haut de ses huit ans, irradie le film de sa figure à la fois espiègle et sympathique tout en constituant un personnage-clé dans l'évolution du scénario. Il faudrait encore parler des rôles masculins qui offrent de belles compositions : Ethan Hawke, surprenant d'aisance et de vitalité à l'américaine, et Alain Libolt incarnant à la perfection le majordome de la star. Bref, tout n'est pas à rejeter, loin de là, mais l'on souhaite ardemment que Kore-oda, cinéaste majeur, retrouve son archipel pour nous éblouir d'une nouvelle réflexion ironique sur la société japonaise.