Le" Premier film" (que le jury ad hoc distingue dans la sélection de son choix - ici, il concourait au titre de la "Quinzaine") primé à Cannes en 2021 coche les "bonnes" cases, notamment parce que portrait d'une jeune fille s'essayant à la lutte contre le patriarcat et le machisme, et réalisé par une trentenaire, la Croate Antoneta Alamat Kusijanović. Les qualités techniques sont bien au rendez-vous, mais, pour ma part, y ai vu un exercice de style laborieux, se réduisant sur le plan scénaristique à une interminable mise en place des prérequis dramatiques
(le père, tyranneau domestique, la mère, effacée et soumise, la fille, cherchant à prendre son envol - et, en deus ex machina restant au milieu du gué, un ami perdu de vue, qui a fait fortune en Amérique et à qui le père tente de placer un terrain, faussement de cocagne).
Du coup, c'est le spectateur qui souffre de cette anémie stylistique que le boboland confond si aisément avec l'inspiration... Autant que la murène ("Murina") pourchassée. Et le casting, au moins ? L'ingénue est ici sportive, d'où de belles séquences dans l'Adriatique. Le père surligne dans le bourru, virant à l'empêcheur de grandir en rond, et même au grand méchant, pas très clair... La mère a la nostalgie tristounette de sa jeunesse - du temps où ses maigres appas l'avaient faite "reine de beauté" locale. Quant à l'ami prodigue, "Javi", on s'étonne un peu de le voir incarné par le Maori Cliff Curtis : pas très "couleur locale"... On imagine que le co-producteur, un certain Martin Scorsese, qui l'avait distribué pour sa part en dealer aux origines ethniques imprécises dans "A Tombeau ouvert", l'aura proposé sans vergogne...
Le tout fait un grand "bof, bof", quant aux qualités d'écriture et de mise en scène de la lauréate. Mais rien de choquant à Cannes, où le sujet à la mode suffit à faire les récompenses dans le vent (marin) de la Croisette !