La première réalisation fonce dans un tape-à-l’œil séduisant, notamment avec son cadre enneigé et tout un bétail d’humains, livrés à fuir pour mieux ressusciter. Guillaume Renusson soigne ainsi son approche du genre, en appuyant là où ça fait mal. Co-écrit par Clément Penyle récit finit par se diriger vers la frontière alpine franco-italienne, là où l’immigration croît au même degré qu’une traque sans fin. Autant annoncé que le planning sera rude pour nos personnages, contraints d’affronter un deuil qui les surclasse. Et pour ce faire, le cinéaste parvient à réunir dans le même plan et dans le même mouvement, deux mastodontes de la dernière édition cannoise.
Denis Ménochet (As Bestas), en tête, capture toute la souffrance de Samuel, père veuf, à la charge d'une jeune fille, à qui on semble refuser le deuil de sa mère. Son chemin de croix le poussera à écouter sa culpabilité et à esquiver quelques séances de rééducation pour mieux se retrouver avant toute chose. Son départ précipité vers son chalet en montagne l’oblige ainsi à dépoussiérer les lieux, tout en se remémorant le fardeau qu’il porte. En parallèle d'une chasse aux sorcières, symptomatique de l'extrémisme en croissance, où des jeunes du coin se ridiculisent presque en piétinant leurs principes, tout l’opposé des fonctionnaires douaniers, qui arpentent les refuges éphémères, dispersant ainsi les immigrés de tout part.
Arrive alors la prodigieuse Zar Amir Ebrahimi (Les Nuits de Mashhad), dans la peau d'une réfugiée politique afghane, dont on ne reconnaît pas le statut. Son exil est la cause de tout ce voyage, où Samuel évoluera en tandem avec cette dernière, afin d’épargner une vie. Son échec avec sa défunte épouse est un combat dont il sera le seul à en comprendre les enjeux, jusqu'aux derniers instants de son douloureux périple. La subtilité dans toute cette escapade clandestine, c’est d’accorder à l’image une autonomie que le spectateur actif devra déduire. Rien de sophistiqué en soi, mais cela démontre une volonté d’écriture brillante, jusqu’à ce qu’on lâche les chiens pour filmer les protagonistes dans un décor trop pictural pour en faire une réelle menace.
Ce qu’on parvient à lire en revanche, ce sont toutes les conséquences de leur traversée. Les engelures et autres blessures se multiplient, sans que l’on comprenne pourquoi Samuel traîne cette cicatrice à la jambe. Toutefois, le film se livre à un exercice de home invasion efficace par instant, propulsant ainsi « Les Survivants » dans la dimension policière, voire de western, qu’il couvait, dès son plan-séquence d’ouverture. Avec une économie du verbe appréciable, l’intrigue défile sans forte paresse et trouve le temps de questionner cette violence qui anime la xénophobie, où les deux interprètes s’engagent physiquement pour en être les porte-étendards.