Après « Les Apalaches » et « Une Vie Violente », Thierry de Peretti quitte la Corse et s'attaque à une étude de manipulation, celle du langage, celle de l'image, mais surtout celle de la vérité, car jamais elle ne nous sera donnée. Un déguisement après l’autre, c’est au cinéma d’intervenir et d’explorer cette notion ambiguë, qui semble remonté vers la plus haute sphère de l’État. Entrevoir un scoop à travers les témoignages construits et documentés d'un infiltré, lui-même dans un fossé identitaire, conduit à se rapprocher de référents variés, dont la justice et la loi dépendent. Des magistrats tombent dans l'embarras et dans une frustration inexplicable, comme en témoigne le personnage de Valeria Bruni Tedeschi, et on laisse également le spectateur dériver dans des interrogations, qui ne cessent d'en générer d'autres, plus pointues ou plus douteuses.
C'est à cela que l'on se surprend à investir des différentes illustrations de la tension, à commencer par l'ouverture, où une transaction houleuse rompt avec la continuité et le regard attentif de Hubert Antoine (Roschdy Zem), témoin d’un balai chirurgical, que le pays tolère. Son écart de conduite interpelle par la suite, comme si la trahison avait un double visage, alors qu’il vient plaider un scandale qui frappe la passivité, l’incompétence ou la complicité de gradés dans l’ombre. Sa démarche le conduit à communiquer et à répandre son incompréhension à travers des médias, qui jouent également un rôle dans cette supercherie. Stéphane (Pio Marmaï) revêt la peau d'un journaliste à Libération, convaincu par Hubert. Et nous finissons également par observer, d'un œil sceptique, la stratégie du brainstorming, ordonné et dirigée par la talentueuse cheffe rédactrice (Julie Moulier). Il s'ensuit la construction d'un tourment général, où l'homme à la tête de la lutte anti-drogue, Jacques Billard (Vincent Lindon), devient l'objet d'une enquête redoutable et redouté pour le système qu'il défend, car qu'on le veuille ou non, la drogue finit toujours par traverser les frontières.
Le cinéaste nous invite ainsi à partager ces moments de doutes, passés aux côtés de ceux qui finissent par se tromper et tromper leurs voisins. Il s'agit de cette chaîne paranoïaque et pourtant maîtrisée par un tiers, impossible à cerner et donc à condamner. C'est sur le fil que l'on se contente de suivre les débats sans fin d’individus, qui revendiquent une part du gâteau, jusqu’à en oublier la raison de leur lutte intérieure. S’adresse-t-on réellement à un repenti de l’infiltration, à un journaliste qui ne voit pas plus loin que la dernière ligne de son édito ou à un homme cérébral, dont on finit par accepter l’approximation comme engagement ? Personne n’est à l’abri des projecteurs et l’on continue de se demander comment les esprits se perdent, les corps fatiguent et comment l’on s’affranchit de telles accusations.
« Enquête sur un scandale d’état » brouille constamment les pistes dans les échanges, mais également dans le format de cadre choisit, où l’on se permet de dévisager les intentions de chacun, quand bien même il serait possible de se tromper. L’intention est là, même en sachant qu’il s’agit d’une adaptation de faits, appuyés par des récits violents et crus. Ici, la fiction est un outil de plus pour propager un sentiment d’errance pur, comme si la caméra et le spectateur accompagnaient chaque étape qui construit et déconstruit une idée reçue.