Midsommar : les secrets du tournage

L'idée de Midsommar est venue à Ari Aster en 2013, bien avant le tournage d'Hérédité. Le réalisateur sortait alors d'une relation amoureuse de trois ans et, à l'instar d'Hérédité qui s'inspirait de ses propres traumatismes familiaux, il a puisé dans cette rupture pour explorer le délitement d’une relation à travers le prisme d’un conte de fée pervers. La première image qu'il a eu du film était celle d'un temple sacrificiel en feu : "J’avais envie d'offrir au ‘film de rupture’ un nouveau cadre, de réinventer la sempiternelle fin cathartique qu’on voit souvent dans ces films, quand l’héroïne qui s’est faite larguer brûle une boîte qui contient tous les objets qu’elle a accumulés au cours de sa relation et dont elle se libère enfin".

Ari Aster a fait appel au chef décorateur originaire de Stockholm Henrik Svensson pour aborder un environnement et une culture qui lui étaient parfaitement inconnus. Chacun a entrepris des recherches de son côté et ensemble, ils ont amassés des centaines de pages d'informations.

Svensson s'est intéressé au folklore et aux traditions païennes suédoises tandis qu'Aster s'est penché sur les traditions folkloriques suédoises, nordiques, anglo-saxonnes et germaniques, depuis Le Rameau d’or de James George Frazer, une étude anthropologique sur la transition entre paganisme et christianisme partout dans le monde, jusqu’aux traditions spirituelles d’un philosophe comme Rudolf Steiner.

Les deux hommes ont aussi visité en Suède des musées du folklore et des hälsingegårds (les fermes du grand Nord) : "On a tenté de comprendre comment les gens vivaient au sein des communautés scandinaves rurales et religieuses, il y a 500 ans comme aujourd’hui", raconte Henrik Svensson.

À l'opposé d'Hérédité qui se déroulait dans une maison plongée dans l'ombre et les ténèbres, Midsommar se déroule sous un soleil éblouissant et brûlant à une période de l’année où la nuit ne tombe jamais vraiment en Suède. Ari Aster a refait appel au directeur de la photographie Pawel Pogorzelski. "On a souhaité mettre en place un monde extrêmement lumineux, au point que ça en devient presque gênant – cette lumière permanente est quasiment agressive" explique le réalisateur.

Ari Aster a envisagé des centaines d'actrices pour le rôle principal mais il en revenait toujours à Florence Pugh, révélée par The Young Lady : "je savais qu’elle tiendrait la distance du début à la fin. C’était génial de voir Florence aller dans une direction diamétralement opposée à son précédent rôle. C’est une grande professionnelle qui se saisit de tous les conseils qu’on lui propose avec une facilité déconcertante".

Midsommar a été tourné pendant l’été 2018 dans une région rurale des environs de Budapest en Hongrie pour des questions logistiques et en raison d'un meilleur ensoleillement que la Suède. Les lois suédoises imposent une durée de tournage maximale de huit heures par jour, ce qui réduit l’accès des équipes à l’ensoleillement maximum. En tournant en Hongrie, où les jours sont plus courts, l'équipe avait moins de prise sur l’ensoleillement mais davantage sur le paysage.

Là, le village des Hårga a été construit d'après les plans du réalisateur qui avait déjà dessiné tous les plans et la topographie du village. Le chef décorateur Henrik Svensson a dû bâtir les décors deux mois avant le tournage, un véritable défi : "On devait tout construire sur pilotis car la structure ne devait pas toucher le sol. Il y a beaucoup de règles en Hongrie, plus ou moins faciles à comprendre. Pour réussir à ériger les structures avant le début du tournage, ça a été un véritable bras de fer contre le temps et la météo". 

Bien que tourné en Hongrie, le film a fait appel à des acteurs suédois pour incarner les villageois de Hårga, y compris les figurants.

Ari Aster a conçu pour les besoins du film une langue fictive, l'Affekt : "C’est une version discordante et fantasmatique de ce qu’on pourrait entendre dans un village du Hälsingland au cours d'un festival d'été". Le réalisateur a le souci du détail puisqu'il a également créé un alphabet runique propre aux Hårga qu’on peut apercevoir sur les costumes, les murs et dans le livre sacré appelé le Ruby Radr.

Sur les décors intérieurs du village se trouvent des fresques où l'on peut voir des symboles dessinés par l'artiste Ragnar Persson dans le style des peintures médiévales. Ils ont ensuite été transformés en papier-peint par des artisans hongrois. Ces peintures recèlent d'indices sur le film et annoncent tout ce qui va s'y passer sans pour autant fournir trop d'informations aux spectateurs.

Björn Andrésen, qui interprète Dan, le membre des Hårga âgé de 72 ans, n'est autre que l'adolescent dont s'éprend Dirk Bogarde dans Mort à Venise de Luchino Visconti.