Quelque chose de bizarre se trame sur Block Island où des milliers de poissons viennent s'échouer sur les plages sans explication. Alors qu'une biologiste revient sur son île natale pour enquêter sur le phénomène, son frère fait face au comportement de plus en plus étrange de leur père, attiré par un mystérieux son en mer...
En entretenant un large champ du possible, l'aura d'un mystère de grande ampleur fait évidemment son effet dans les premiers instants de ce deuxième long-métrage réalisé par Matthew et Kevin McManus (scénaristes des séries "American Vandal" et "Cobra Kai" notamment) et salué par la critique lors du Fantasia International Film Festival de 2020. Entre cette faune maritime qui meurt sans raison et un vieux pêcheur aux absences déconcertantes, "The Block Island Sound" nous enferme rapidement dans l'ambiance énigmatique de son isolement insulaire où quelque chose semble aisément agir dans l'ombre en profitant de l'éloignement du continent. Ces événements vont donc frapper de plein fouet les membres d'une même famille où, peu à peu, ceux que l'on croyait être les protagonistes de premier plan (le père victime et la fille chargée des investigations) vont laisser le devant de la scène au personnage du fils/frère Harry et révéler grâce à lui la nature de vrai drame familial qui se cache au cœur des enjeux plus fantastiques du film.
À travers les failles de Harry, va se dessiner le portrait d'un homme à l'existence stagnante, n'ayant jamais osé quitter son île figée dans le temps -ni même le domicile familial- pour la modernité du continent où ses sœurs se sont épanouies. Et, même si cela reste encore enfoui en lui, noyé dans son esprit par la répétition de soirées alcoolisées avec les mêmes visages, Harry a sans doute peur de finir comme son père en suivant le même chemin, sans avoir la moindre opportunité d'y échapper. Les éléments extraordinaires du film vont évidemment précipiter sa chute en le confrontant au plus près de ses démons par des détours tout aussi littérales qu'étranges et, sur ce point, on peut dire que "The Block Island Sound" fourmille de jolies idées pour lier la symbolique fantastique à cette épreuve humaine. Que cela soit par l'intermédiaire de l'ombre envahissante du père ou du questionnement ironique sur la provenance intérieure/extérieure de la menace, le film use en effet habilement de sa dynamique familiale pour la fondre et en accentuer les contours à plusieurs échelles de son intrigue surnaturelle.
Seulement, malgré la solidité de ces connexions métaphoriques, il faut bien avouer que "The Black Island Sound" échoue à apporter une vision innovante aux deux versants de son récit. La crise traversée par Harry (et même le personnage en tant que tel) n'a hélas rien de vraiment original à offrir, tous ses tourments n'engendrent qu'un chemin de croix déjà maintes fois exploré et le film fait en plus le mauvais choix de se focaliser trop longuement dessus au détriment des manifestations de l'irréel, réduit souvent à quelques apparitions et autres sons pas vraiment vecteurs de l'effroi escompté. La réalisation et l'interprétation (Chris Sheffield, sorte de croisement parfait entre Nicolas Duvauchelle et Alexander Skarsgård, et la ravissante Michaela McManus en tête) ont beau rendre le tout plaisant à suivre, la majorité de "The Block Island Sound" se cantonne à un déroulement très prévisible où l'espoir d'éclaircissements finaux sur le phénomène maintient en grande partie notre intérêt.
Grâce à la direction choisie, la résolution aura le mérite de se révéler plus palpitante, apportant toujours cette petite dose de fascination qui va de pair avec la part d'inconnu à laquelle fait appel, mais, là encore, elle n'en proposera pas une variation suffisamment pertinente pour se démarquer au-delà des liaisons métaphoriques avec le sort de ces personnages. "The Block Island Sound" se conclura d'ailleurs malicieusement avec l'une d'entre elles, très bien pensée, comme pour mieux souligner le plus gros point fort de sa proposition.