Ce film pourrait se résumer à une réplique. Une seule et unique, donnée très tôt dans le film. « Quand on veut être le roi de la jungle, ça suffit pas de se comporter comme un roi : il faut porter la couronne… et laisser personne douter qu’elle nous revient, parce que le doute crée le chaos qui est le début de la fin. » Je ne sais pas vous, mais moi j’ai compris tout de suite l’importance de cette pensée. Et comme pour l’asseoir définitivement au terme de cette démonstration, elle revient en fin de film. En fait, ce n’est plus un résumé mais un symbole. Quand je parle de démonstration, je parle de toute l’intrigue du film. "The gentlemen" est une démonstration à tous les étages : mise en scène, montage, prestation des acteurs, musique… et je ne parle même pas du scénario ! Même si j’ai déjà vu des films se dérouler sous la forme narrative (les premiers qui me reviennent à l’esprit étant "La guerre des Rose" en 1989 et "Forrest Gump" en 1994), le scénario se montre particulièrement habile. Alors qu’il est doté de plusieurs tiroirs imbriqués façon poupées russes (sans jamais perdre le spectateur), sa vraie originalité est de le transposer dans le film à une idée de film. Ça y est ? J’ai titillé votre curiosité ? Tant mieux ! Car il serait dommage de passer à côté de ce "The gentlemen". En fait, vous serez définitivement accrochés en même pas trois minutes. Et quand on voit le nom de Matthew McConaughey propulsé en tête d’affiche, on comprend aisément qu’on commence par la fin. Sauf qu’il arrive parfois qu’on mène le spectateur en bateau pour mieux le surprendre. Est-ce le cas ici ? Mmmmm, je répondrai que tel un gentleman, je ne répondrai pas à cette question : je ne voudrais pas gâcher le formidable travail opéré par un Guy Ritchie des grands jours. Il a grand mérite, parce qu’il était partout. A la réalisation bien sûr, mais aussi à la production, et au scénario. Issu d'un projet vieux d’une dizaine d’années, le scénario semble solide, inébranlable. Inattaquable. Comme si son concepteur avait pris soin de penser à chaque détail, TOUS les détails. Et si je vous disais que pourtant, certaines scènes ont été réécrites le jour même de leur tournage ? Surprenant, hein, quand on voit le résultat. Je disais donc que Guy Ritchie était partout. Bizarrement, on a l’impression que ce n’est pas lui qui mène la danse, mais plutôt Hugh Grant. Malgré ses difficultés à mémoriser les dialogues écrits par Ritchie, et ce n’était pas une mince affaire au vu du volume, il a su rendre son texte vivant pour ce rôle qu’on qualifiera de à contre-emploi. Tellement à contre-emploi qu’il m’a fait penser à quelqu’un. Vous ne voyez pas ? Allons allons, cherchez un peu, que diable ! Non ? Toujours pas ? Allez je vais vous le dire, ne voulant pas blinder l’espace « critiques » de cette page. Il m’a fait penser à Al Pacino. Admettez qu’à une époque, ça aurait été un rôle pour lui. Dans tous les cas je tire mon chapeau à Hugh Grant pour avoir su relever ce défi haut la main, et prouver ainsi à tout le monde que son talent ne se limite pas à la comédie romantique, genre dans lequel il excelle il est vrai. Je soupçonne même que le dialoguiste a écrit certaines répliques rien que pour lui, parce que porteuses d’un certain raffinement qu’on connait à l’acteur, tout du moins aux rôles auxquels il est davantage habitué. Toujours est-il qu’il m’a fait l’impression d’être le chef qui dirige son orchestre sur la partition signée Ritchie. Evidemment, il serait injuste de ne pas parler des autres acteurs. Colin Farrell aussi occupe un rôle à contre-emploi, et c’est sans doute son personnage qui offre le plus contrasté. Un contraste mis en évidence lors d’une banale virée dans un fast-food. A côté d’eux, apparaît un trio qui se caractérise par un charisme de fou. Cet immense charisme, Matthew McConaughey, Charlie Hunnam et Michelle Dockery l’ont mis au service de leurs rôles respectifs pour en faire des personnages munis d’un sacré caractère. Que ce soit l’un ou l’autre, ils ne se démontent jamais. Impressionnant. Y compris leurs ennemis. D’une certaine façon, ce sont tous des gentlemen. Un seul perdra son sang-froid, je vous laisse deviner ce qu’il advient de lui. Dans ce cinéma sérieux et on ne peut plus bavard, nous avons tout de même droit à quelques succinctes pointes d’humour, apportées par une bonne partie des personnages. Par exemple, on apprendra que les trafiquants de drogue devraient investir dans des parachutes. Ou l’accueil d’un mari dans son bureau prononcé avec un calme olympien alors que la femme s’apprêtait à passer un moment délicat. Malgré l’énorme volume de dialogues, le film est parfaitement rythmé. Jamais ennuyeux, sans jamais de réels temps morts. En plus de ça Ritchie s’est offert le luxe de marquer de son empreinte son propre film, en apportant du grain à l’image quand on parle de grain à l’image, ou de nous offrir des images en 35 mm quand on parle de tournage en 35 mm. Le plus fort est que ces séquences, certes très courtes, ne paraissent jamais hors de propos. Alors quand en plus, la bande originale a été soignée aux petits oignons en étant toujours raccord avec ce qui nous est proposé à l’image... Mon seul bémol est que le cinéaste s’est un peu trop lâché sur le ralenti de l’accident. Aussi soyons gentlemen : allons voir ce film, parce qu’il vaut vraiment le coup, et qui propose quelques savoureux rebondissements.