On avait quitté Alexandre Aja en train d'élargir son approche de l'horreur à d'autres sous-catégories du genre comme la grosse potacherie gore ("Piranhas 3D") et la surface angélique du conte ou du drame fantastique pour explorer les recoins les plus tortueux de l'esprit humain ("Horns" et "La Neuvième Vie de Louis Drax"). Mais trois ans après son dernier long-métrage, c'est bel et bien un retour aux sources du premier degré horrifique ayant fait sa renommée que nous propose le cinéaste français toujours expatrié aux USA ! Alors, certes, il part patauger à nouveau avec des créatures aquatiques comme lors de son escapade en compagnie d'Elie Roth et de ses piranhas mais point ici de pochade aux allures de "Crocnado" (avouez que l'on y a tous pensé à la lecture du pitch) mais bien un survival pur et dur où une jeune nageuse et son père se retrouvent coincés dans leur maison en plein ouragan et en compagnie d'une tripotée d'alligators affamés ! Bref, voir Alexandre Aja revenir à une approche si simple et frontale de son cinéma était déjà une promesse en soi pour satisfaire notre soif de films de monstres marins finalement plus si nombreux à sortir sur grand écran...
Soyons honnêtes, dans ce genre de film, on est toujours prêt à accepter d'avaler quelques couleuvres scénaristiques à condition que l'efficacité et les frissons soient au rendez-vous. Seulement, quand celles-ci deviennent tellement nombreuses au point d'annihiler toutes ces qualités que l'on y était venu chercher, le résultat ne peut qu'engendrer une immense déception et c'est hélas exactement le cas de figure dans lequel se trouve "Crawl".
Pourtant, des couleuvres, on était effectivement disposé à en gober un certain nombre comme avec ces alligators échappés d'une ferme d'élevage voisine -et donc relativement "domestiqués" en instinct de prédation- mais qui, avant de rejoindre la maison de l'héroïne et son père, sont sans doute tombés sur une cargaison de cocaïne abandonnée pour devenir complètement enragés. On s'en fichait même un peu à vrai dire tant que les reptiles étaient mis en valeur et prêts à croquer tout ce qui passait sous leurs museaux, on était même content et, là-dessus, au moins, "Crawl" ne décevra pas ! Les alligators seront véritablement acharnés et tellement généreux dans leurs tentatives de planter leurs dents dans les humains du film que l'on sera assez rapidement de leur côté...
Car, oui, pour le reste, "Crawl" va faire un carton plein d'âneries et de facilités en termes de mise en scène, de péripéties inutiles et du traitement de ses personnages.
Prenons simplement le décor de la majorité du film, les fondations de l'ancienne maison familiale. Au début, l'héroïne y arrive en rampant quasiment ventre à terre. Ensuite, lorsqu'elle doit y traîner un "poids lourd", à l'exact même endroit, on la retrouve presque debout (?). Et finalement, quand les intempéries dégénèrent, les lieux donnent carrément l'impression d'être un bassin olympique (???). Niveau gestion de l'espace, "Crawl" évolue par coups de baguette magique absolument ahurissants que l'on n'attendait pas d'un réalisateur habituellement attentif à ce genre de détails par souci de s'ancrer dans le réel !
Mais, soit, disons que ça passe encore... Toutefois, que dire alors d'une héroïne qui va gentiment passer un coup de fil devant les yeux d'un alligator alors qu'elle pourrait le faire dans l'abri de fortune d'où elle venait ? Que penser d'une discussion sentimentale père-fille interminable (et dont on se contrefiche) tombant comme une écaille sur la soupe en plein milieu du long-métrage ? Quelle tête faire devant des marques de morsures se transformant en égratignures en en attendant de nouvelles (les deux personnages principaux ont indéniablement des capacités régénérantes de lézard) ? Comment ne pas rire devant les héros faisant n'importe quoi pour gagner une demi-heure de film alors qu'ils auraient pu rejoindre l'endroit où ils se trouvent à la fin au bout d'à peine une heure ?... Bref, on ne citera pas tout le catalogue d'inepties dont "Crawl" semble raffoler dans sa progression mais reconnaissez que ça en fait déjà beaucoup pour accorder une once de crédibilité qui devrait être justement inhérente au réalisme d'une approche si premier degré. Et on préférera s'abstenir de tout commentaire sur l'imagerie clin d'oeil à une certaine saga pleine de xénomorphes à travers l'iconisation de l'héroïne ou l'environnement des alligators qui nous rappelle involontairement que l'on est effectivement à des années-lumières d'un survival de cette qualité...
Heureusement donc que ces alligators ont une fringale de tous les diables et que les acteurs principaux (Kaya Scodelario et Barry Pepper) se démènent tant qu'ils peuvent malgré le ridicule des situations à jouer car, sans tout ce petit monde, "Crawl" coulerait la tête première dans la fosse sceptique de sa maison. On a beau adorer Alexandre Aja et n'avoir été que très peu déçu par sa filmographie jusque-là, force est de constater qu'il nous a pondu un magnifique "touché, crawlé" !