Michel Hazanavicius touche à tout ce que se rapproche de la French Touch, avec un style très particulier, car on pourrait lui reprocher de trop remodeler des œuvres ou icônes existantes. Malgré tout, nous n’excluons pas l’ambition de bien vouloir se démarquer de ces supports et il s’en affranchit assez bien avec “OSS 117” et avec son généreux “The Artist”. El il remonte à loin, cette époque qui le poussait dans la satire de l’audiovisuel, car c’est une régression instantanée avec ce conte, qui rapproche de “Vice-Versa” dans sa structure. Le film réussit néanmoins à divertir, mais pour un public plus aguerri, il faudra plus que des effets visuels moyens, pour rendre l’aventure inoubliable et surtout pertinente. Le rapport père-fille est brossé dans le sens du poil, pas de surprises quant à la finalité d’une intrigue qui tourne souvent en rond. Ce sera donc dans ces divers échanges et échos à l’univers des histoires fantastiques que la magie doit opérer et conquérir le cœur des protagonistes et du spectateur.
Malheureusement, le film trébuche souvent sur ce décalage qui réécrit la réalité au-delà de la frontière des rêves. Nous ressentons véritablement l’absence d’un modèle féminin fort et rassurant et la mise en scène y parvient dès l’introduction. Mais cette peine se retrouve rapidement mise de côté afin de faire évoluer Sofia (Sarah Gaye), fraîchement débarquée au collège. Le portrait de cette portion de vie n’est que confusion, mais l’on ne cherchera pas à aller plus loin, car ce sera la quête d’admiration qui sera au coeur de la mêlée. La jeune fille grandit et son paternel Djibi (Omar Sy) s’éloigne peu à peu du titre de meilleur ami et confident de cette dernière. Pourtant, le thème familial persiste et le récit nous ramène vers cet équilibre, qui a déjà laissé des cicatrices derrière. Pour l’enfant, rien n’est plus dangereux que l’apprentissage via ses fréquentations, mais nous passons tous par là et ce sont des erreurs communes qui parlent à chacun, aussi bien aux parents qu’aux enfants ouverts d’esprit. Et c’est ainsi à chaque chapitre qui s’enchaîne. La prise de recul est sans doute le message universel qui catalyse l’aventure intérieure, mais que vaut-elle réellement ?
Le réel et l’imaginaire ne font qu’un en soi, et la comparaison avec le célèbre Pixar semble inévitable. Avec de monde coloré, stylisé, lisse et pleines de péripéties en tout genre, une hiérarchie s’installe et c’est sans doute ce qui prêtera à confusion sur l’ensemble du conte. Le parallèle avec les problématiques d’une pré-adolescente ne parvient pas toujours à rendre l’imaginaire crédible. Des détails s'acharnent pourtant à trancher sur ce qui est flou et ce qui tiendrait du concret. Et bien que la mise en scène puisse amuser, le point de vue du père semble freiner les ambitions d’Hazanavicius, qui passe à côté de son sujet. Pour un film qui souhaite mettre en retrait la réalité en faveur de l’imaginaire, c’est un échec total. Elle prend plus de place qu’il n’y paraît, car les échanges tombent à plat et quand bien même le réalisateur cherche à transposer le concept d’industrie qui contrôle tout, jusque dans les fantasmes, il trébuche sur sa transposition. Tout comme le personnage de Bérénice Bejo, il y a de l’incohérence dans l’air et autour des oubliettes, qui n’assument pas la meilleure des morales.
Nous sommes donc loin d’investir le minimum syndical d’Hollywood, car il faut revoir l’approche. Le passionné de Godard et le cinéphile derrière l’architecture intéressante de “Le Redoutable” n’a pas su empêcher “Le Prince Oublié” de définitivement sortir de sa caverne. De même, Howard Shore ne parvient pas à sublimer l’esthétique, qui ne convainc pas de base et donc la plupart des idées de mise en scène finissent dans le caniveau. Le point de vue adulte n’a pas pu être travaillé comme souhaité et on ressent les multiaxes narratifs qui s’établissent sans trouver de dénouement ni de continuité. Il faudra plus que des panneaux publicitaires comme transition, il faut du cœur et plus de maturité pour mettre à genoux l’audience qui demande encore à être enchantée.