Si vous vous repaissez de comédies à la française ou de gros films d'action bien poilus, passez votre chemin. Ce merveilleux film se mérite..... s'il y a des longueurs, c'est que les deux metteurs en scène, le Portugais João Salaviza et la Brésilienne Renée Nader Messora se sont pliés aux demandes des jeunes indiens Krahô, lesquels n'avaient certainement qu'une idée vague des exigences scénaristiques occidentales.... Ils avaient envie de raconter leur vraie histoire, de faire connaître leur peuplade autochtone, si menacée! et ils ont rejoué cette vraie histoire, avec toute leur famille....*
Si vous avez aimé Les oiseaux de passage, sachez que l'on recule très loin dans le temps. Les Wayuu, même s'ils gardaient leurs traditions, se frottaient à la vie occidentale, ne serait ce que pour vendre leur marijuana, et, fortune faite, ils n'avaient de cesse que de se faire construire une villa "chic et moderne". Ici, on est chez les Indiens d'Amazonie, ceux qui sont encore actuellement les plus éloignés de notre civilisation. Leur territoire autochtone, qu'ils sont censés gérer eux mêmes, est cerné de multinationales qui voudraient bien piquer ces ressources.... Les Krahô se répartissent dans leur territoire en petits groupes familiaux. Que prennent ils des autres Brésiliens? Pour les garçons, en tee-shirt à logo pour les (rarissimes) descentes en ville; pour les filles, un flacon de vernis à ongles bien criard... Et puis, à la ville, la Maison des Indiens qui gère les maladies graves. Où le personnel manifeste un peu d'agacement devant ces patients bizarres, qui ont une carte de Sécu mais pas forcément d'Identité, et qui baragouinent un portugais à peine compréhensible.
Henrique Ihjac Krahô (lui même, donc....) est déjà père. Mon dieu! ils sont si jeunes, lui et sa jolie Kôtô Krahô..... Quinze ans, peut être. Apparemment, les moeurs sont très libres, et quand un enfant paraît, le couple est marié. Mais il est aussi soutien de famille. Son père est mort, et on voit une ribambelle de petits frères. Depuis quelque temps, il est bizarre. Il se sent mal. Il rêve de son père, car la cérémonie de fin de deuil n'a pas encore été effectuée. Il va jusqu'à un lac secret, où se déverse une cascade, et son père lui parle, de dessous l'eau.... Et puis, le perroquet (magnifique!) le poursuit. Le chaman le confirme lorsqu'il vient se faire soigner: Ihjac a été choisi. Il sera chaman, à son tour.... Mais il ne veut pas: alors, il fuit à la ville (un gros bourg avec des maisons d'adobe miteuses et des routes en terre), il espère que son maître le Perroquet voudra bien l'oublier.... La Maison des Indiens refuse de garder ce faux malade (on le qualifie d'hypocondriaque, mot qu'il ne connait évidemment pas). Il faudra bien rentrer. A la ville, Ihjac n'est qu'un étranger. Il n'est pas chez lui. La cérémonie de fin de deuil ne peut attendre. On n'échappe pas à son destin...
Les Krahô nous font rentrer dans leur intimité, leurs cérémonies, leurs chants et leurs danses rituelles, cette fin de deuil où l'on court en portant des bûches décorées, et à la fin, tout le monde pleure autour de la tombe, et après, c'est fini: le mort a rejoint le village des morts et la paix. Chacun peut à présent être heureux...
Naturellement c'est un moment ethnographique, bien plus passionnant que les docus du Quai Branly, mais c'est aussi tellement beau. Cette forêt, magique, à perte de vue. Tous les bruits des oiseaux, des insectes; les trous d'eau où les ados et les enfants se baignent, image d'une virginité du monde, pure et innocente.
Film rare, à ne pas laisser passer parce que, à vrai dire, il est très peu diffusé.
*Lire l'excellent dossier de Courrier International, partenaire du film