Au générique d'ouverture du film, j'étais de droite. Du genre droite pain au chocolat. Droite Coppé. Heureusement, l'incroyable complexité des opinions énoncées m'a fait changer de bord. En tout cas dans le premier quart, qui place les pions. Parce que la droite, y dit-on, n'est pas comme la gauche. Qui, elle, se préoccupe des autres. Sauf quand elle s'oublie. Ou se trahit. Cette révélation est un retournement du film : la gauche n'est peut-être pas, ou plus ? aussi exemplaire que cela. Que quand ? On ne sait pas. Là, j'ai angoissé. Dans la même micro-seconde, je venais de basculer à gauche et d'en être déçu. La gauche peut donc se trahir, m'apprend-on. Ça pose le drame. Quelques dialogues se passent. Il apparaît clairement que la gauche est infréquentable. Suis-je à nouveau de droite ? Ce serait honteux, me souffle le film, puisque les personnalités politiques de droite sont entièrement préoccupées par leur destin personnel. Un immense flottement m'envahit. Pendant quelques minutes, je me sens au centre. Au centre d'un film qui va m'apprendre, peut-être sans que je m'en aperçoive, façon Houdini, à réétudier mes convictions, ou à en acquérir. Face à ce momentum, j'ai une réaction étrange. Physique. Je me tourne sur mon canapé pour regarder l'écran de l'oeil droit. Puis de l'oeil gauche. C'est mon manichéisme qui résiste. Mon cerveau n'arrive pas à accepter qu'on le bouscule autant. Entre les lignes, il comprend, grâce à Alice qui le fait comprendre au maire, ou l'inverse (car les deux se tirent vers le haut de bout en bout), que tout est plus complexe que ça. Qu'il fut un temps où gens de droite et gens de gauche arrivaient à travailler ensemble. Quand ? On ne sait pas. Et qu'il y a des thèmes plus importants que l'esprit de chapelle. À cet endroit, le logement, l'insalubrité semblent esquissés. Je sens que le film veut un peu m'amener par là. Me rendre plus humain. "En creux", comme on dit quand on passe à côté. Et surtout, que je dois lire des livres. Comme le maire, qui réapprend à lire entre deux portes. C'est l'humilité de ce film d'auteur, que de renvoyer à d'autres auteurs. Et son intelligence, que de me faire sentir plus profond à mon insu. Mais ce n'est pas le clou. Quand je crois, dans le dernier tiers, qu'il me faut maintenant choisir qui de la droite profiteuse ou de la gauche paresseuse est la plus faussement progressiste, bim, un nouveau sujet entre en jeu : l'environnement. Droite et gauche renvoyées dos à dos, dans un deus ex machina invraisemblable. Le vrai sujet, me glisse-t-on dans des lignes de dialogue qui finissent de me remuer, c'est l'avenir de la planète. Et là, ils sont où les progressistes ? À droite ? À gauche ? Il faut hélas répondre par un spoil : ils sont sans doute chez les artistes, tout incarnés par cette peintre collapsologue, qui tente de sensibiliser le maire à l'effondrement du monde, et dont le scénariste nous dit qu'elle séjourne parfois à l'asile de fous - car c'est inéluctablement, de nos jours, la place des gens lucides. Le film me laisse là. M'abandonnant sans me donner tout à fait de réponse, ce qui est une façon subtile et appréciable, j'imagine, de me signifier que c'est à moi de les trouver. Au final, je réalise que le féminisme ni le véganisme n'ont été abordés, mais j'imagine qu'en creux, Alice les a évoqués. Je dois revoir ce film pour tout comprendre.